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Set a Watch – la nuit se regroupe, et voici que débute notre garde…

Set a Watch

Set a Watch – la nuit se regroupe, et voici que débute notre garde…

 

Avec les One Deck Dungeon, j’avais découvert un format que je ne connaissais pas, celui des jeux de société « compacts ». Ce que je veux dire par là, ce n’est pas juste que la boîte en soit particulièrement bien optimisée, ou qu’ils contiennent beaucoup de matériel dans une petite boîte (le format « pocket »), mais que cette petite boîte recèle une variété d’éléments inattendue et se dote même de prétentions narratives inhabituelles dans ce format. J’étais donc très curieux en voyant passer le KickStarter du Set a Watch de Todd Walsh et Mike Gnade, qui avait impliqué 5 875 contributeurs il y a quelques mois pour sa version originale éditée par Rock Manor Games (The Few and Cursed, Maximum Apocalypse, Brass Empire), plus 554 pour sa localisation par Boom Boom Games (Dice City), financée à 719%. Un résultat imposant pour un format mystérieux, qui donne envie d’ignorer un synopsis un peu trop classique (un groupe d’aventuriers doit empêcher la Horde de libérer le Damné) afin de prendre son tour de garde, surtout avec un jeu servi par de très belles illustrations heroic fantasy de Simon Tosovsky et Robert Schneider (Monumental) pour les aventuriers et créatures, de Boris Stanisic et Andreas Rocha pour les lieux,

On présentera ici la version française Deluxe, avec son joli carton d’emballage noir et chrome, ses jetons plus soignés et ses deux classes supplémentaires. À ces quelques différences près, la version Deluxe n’est pas différente de la version de base, et s’adresse donc toujours à un à quatre gardiens de 10 ans et plus, pour des parties d’une petite heure.

 

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Un campement sous tension

On commence une partie de Set a Watch… en vidant la boîte aimantée, puisque l’intérieur en constitue le plateau de campement et les emplacements de piles de carte. Une jolie preuve d’économie matérielle.

Il convient ensuite que chaque joueur choisisse son Aventurier : sera-ce le Clerc, le Sorcier, le Barde, le Guerrier, ou l’Archère, la Dompteuse, la Voleuse, la Chevaleresse ? On notera l’effort très louable de parité, une attribution de classes ne se souciant pas de stéréotypes genrés, et une féminisation assez audacieuse des noms – qui ne devrait pas l’être, mais trop rare pour ne pas être sincèrement louée ici. Et puis Boom Boom Games n’a pas fait l’erreur d’adopter Chevalière (qui peut désigner l’épouse d’un chevalier ou un bijou), vraiment un bon point.

Il faut toujours quatre aventuriers dans Set a Watch, et les concepteurs ont été bien inspirés de penser à toutes les configurations. Seul, on contrôlera évidemment les quatre, ce qui peut s’avérer fastidieux pour un débutant, à deux on en prendra deux chacun, à quatre un chacun. Et à trois, le quatrième aventurier sera contrôlé à chaque tour par le joueur dont le personnage est resté au campement (comme on le verra, il y en a un par tour), habile… mais cela reste la configuration la moins satisfaisante, l’idéal étant naturellement que chacun contrôle son héros, à la Batman: Gotham City Chronicles.

Chaque aventurier se dote de ses dés, trois D6 ou trois D8 selon sa classe. C’est peut-être purement subjectif, mais pour le coup je ne trouve pas ces dés très beaux, enfin du moins sont-ils de six couleurs différentes, avec les chiffres gravés et un petit effet nacré, donc largement de quoi compenser des couleurs d’un goût douteux. On pioche par ailleurs trois cartes Capacité par héros sur les cinq qui lui sont associées pour les poser sur la fiche de personnage, dont une doit être retournée/épuisée.

 

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Il est temps de préparer la pile de créatures. Selon la difficulté choisie, on ajoutera une, deux, trois ou quatre cartes Invocation à la pile de 30 Créatures, réparties à distance à peu près égale les une des autres en divisant la pioche en autant de paquets que d’invocations, en glissant une invocation dans chacun, puis en ré-assemblant la pioche. J’en avais huit dans ma boîte, je ne sais pas trop pourquoi, une tentative de me décourager en m’incitant à jouer avec huit invocations à la fois ? Cette pioche de créatures devra par ailleurs contenir deux Acolytes.

Puis on pioche une créature damnée au hasard, qui inaugure la pile Horde où l’on placera toutes les créatures que l’on ne parvient pas à vaincre, et qui reviendront pour l’affrontement final. Sept autres damnés forment la pile Damnés, cette fois face visible.

On retire ensuite des cartes Lieux les lieux de repos et les lieux finaux pour y piocher huit cartes et ainsi constituer la pile Quête, sous laquelle on place un lieu final de son choix, la Tour interdite, les Catacombes ou la Cathédrale maudite. Les autres lieux sont mélangés aux lieux de repos pour former la pile de lieux inutilisés.

Il ne reste qu’à piocher la première carte Lieu de la pile Quête (le plus logique, mais les règles ne précisent pas de quelle pile on la tire) et à la placer sur l’emplacement de Lieu en cours. Le joli pion Feu est placé sur le 7 pour signifier l’intensité initiale moyenne des flammes. Il est possible de déterminer aléatoirement sa position en lançant le D8, bien que l’intérêt ne m’en paraisse pas certain : si vous tombez sur 1, 2 ou 3 je suis presque sûr que vous le relancerez, si vous tombez sur 8, la partie sera un peu plus facile (alors que l’objectif est logiquement d’ajouter de la difficulté)… Autant déterminer explicitement que vous préférez commencer à 4, 5 ou 6 !

La mise en place peut paraître longue, elle ne l’est pas. On aurait probablement gagné un peu de temps si le livret de règles avait illustré d’emblée le matériel requis, mais si on exclut quelques imprécisions (sur les damnés par exemple, ou l’explication des cartes créature avant même qu’on sache comment les battre), cela se fait assez intuitivement, et surtout en impliquant très vite les différents joueurs, qui doivent gérer leur aventurier puis observent les aventuriers des autres, leurs pouvoirs et capacités. De même, le choix du lieu final (comme dans One Deck Dungeon ou Escape the Dark Castle) permet de leur faire prendre une décision dans une phase normalement assez passive.

 

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Le campement et le guet

Mentionnons déjà l’excellente idée de placer des aides de jeu au dos des fiches de personnage. Cela permet d’économiser du matériel en recourant aux fiches non utilisées tout en donnant un généreux espace aux explications, pour de vraies aides de jeu pouvant effectivement se substituer aux règles, plutôt que les cartelettes évasives que l’on voit trop souvent.

Un tour de Set a Watch commence par le lancer des trois dés de tous les aventuriers. Puis ils décident lequel reste au campement et lesquels vont faire le guet (les sentinelles). Cette décision peut se fonder sur les résultats des dés, sur leurs capacités (puisque rester au campement permet d’en rafraîchir une qui aurait été épuisée) et sur leur pouvoir de campement. En utilisant un dé (le coût de toutes les actions de camp), l’archère peut ainsi regarder et réarranger les quatre premières cartes du paquet Créatures, le Guerrier peut augmenter le feu de camp de 4, le Barde peut échanger une de ses capacités avec celle d’un aventurier qui n’est pas en jeu…

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L’aventurier resté au campement peut également dépenser le nombre de dés de son choix pour couper du bois, et augmenter la valeur du feu de 2 par dé, observer permet de piocher et réarranger 2, 4 ou 6 premières cartes de la pile Créatures selon le nombre de dés dépensés (le deuxième dé devant être supérieur au premier, et le troisième au deuxième), planifier (contre un dé valant 4 ou plus) permet de piocher la première carte de la pile Quête et la première carte de la pile Lieux inutilisés et de choisir laquelle il replace sur la pile Quête, soigner (contre un dé valant exactement 6) rafraîchit une capacité de n’importe quel aventurier, s’équiper échange une capacité du plateau personnel contre l’une des deux capacités laissées de côté.

Enfin, avec un double ou un triple on peut activer les runes apparaissant au dos des lieux, avec l’obligation logique d’activer au moins deux runes, et pas deux fois la même. Sceller retire un damné du cimetière pour le placer sur le dessus de la pile Damnés, vaincre retire la créature du dessus de la pile Horde, soutenir permet aux sentinelles de relancer les dés de leur choix. Si la manière d’utiliser le dos des cartes pour simplifier le plateau et économiser le matériel est habile, on déplorera que les règles n’indiquent pas très clairement que sceller, vaincre et soutenir sont les actions permises par les runes. Elles apparaissent au contraire dans la continuité des runes, comme s’il était question d’actions distinctes, et il faut voir les trois mots sur les runes au dos des cartes Lieu pour comprendre avec certitude de quoi il est question.

Certaines actions exigent ainsi des résultats de dés précis et d’autres non, de sorte qu’il est toujours possible de participer à l’effort collectif en réalisant trois actions, quelque lancer que l’on fasse. Le hasard subsiste bien sûr, sans être crucial. Au contraire, on pourrait même dire qu’il facilite certaines décisions au lieu de donner un choix trop vaste, et donne davantage l’impression de mériter les plus puissantes. La plus vitale, l’entretien du feu, peut d’ailleurs être assurée à la phase suivante par l’épuisement d’une capacité contre l’augmentation du feu de 2.

 

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La phase de guet justement commence par la vérification, sur la carte Lieu, du nombre de créatures à affronter ce tour-ci (généralement 6 ou 7). On en pioche autant dans la pile Créatures pour former une rangée face cachée. Si l‘intensité du feu se trouve entre 1 et 6, on ne révèle que la première carte de la rangée ; entre 7 et 11 on révèle les deux premières, entre 12 et 15, les trois. Ce dévoilement peut déclencher leur effet « révélé » (l’Acolyte fait par exemple piocher une créature pour l’ajouter à la Horde), et si la créature est en première position, cela peut déclencher un effet « première position » (le Bandit vole un dé disponible).

En révélant une invocation, on épuise la capacité de son choix, puis on place en jeu le damné du dessus de sa pile. On sait donc toujours à l’avance quel damné risque d’apparaître, même si c’est un maigre secours compte tenu de leur puissance : la Liche inflige trois dommages, a 14 de vigueur, et empêche l’usage de capacités sur la créature placée derrière elle ; le Seigneur de guerre inflige trois dommages, a 11 de vigueur, et augmente la vigueur de toutes les créatures de la rangée de 2…

 

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En cumulant leurs dés, les sentinelles doivent atteindre la valeur de vigueur des créatures révélées, généralement autour de 7, mais cela peut aller de 3 à 11, voire 14 pour la Liche et parfois davantage encore avec certaines cartes, comme Traqueur d’ombre dont la vigueur est égale à 16 moins l’intensité du feu. La moitié des aventuriers ne peut attaquer directement que la créature en première position, tandis que l’autre moitié (l’Archère, le Sorcier, le Clerc et la Dompteuse) possède une attaque à distance, et peut donc blesser la première ou la deuxième créature révélée. Sauf exceptions clairement indiquées, les capacités peuvent heureusement concerner n’importe quelle créature révélée, ouf…

En outre, un dé peut être utilisé sur une capacité non épuisée pour profiter de son effet, et cela ne l’épuise pas, de sorte qu’il est possible ensuite de recourir à nouveau à la capacité, cette fois en l’épuisant. Quand une créature est éliminée, la rangée avance et d’autres créatures peuvent être révélées si l’intensité du feu ou les capacités le permettent.

S’il reste des créatures quand toutes les actions ont été résolues, elles épuisent autant de capacités que leur valeur en dommages (souvent 1 ou 2, ce qui est déjà énorme), puis rejoignent la pile Horde. La partie est perdue si toutes les capacités sont épuisées. Dans le cas contraire, on dévoile le lieu suivant, on applique sa variation d’intensité du feu (de -6 à +3) et on prend connaissance de son effet, souvent bénéfique (mais pas toujours).

Lorsqu’on arrive au Lieu final, les quatre aventuriers deviennent des sentinelles pour affronter la rangée habituelle, à la suite de laquelle se place la Horde. L’objectif n’est pas nécessairement de se débarrasser de toutes les créatures, mais de survivre après l’infliction des dommages – ce qui n’est évidemment pas possible s’il reste beaucoup de créatures, et cela risque fort d’être le cas si vous n’avez pas réussi à éliminer assez de créatures aux tours précédents.

 

And I shall shed my light over dark evil – For the dark things cannot stand the light

Set a Watch peut à première vue sembler un peu chaotique, du fait de la diversité de ses éléments ou de règles qui auraient pu être un peu mieux organisées et illustrées… mais contiennent un exemple parfaitement détaillé de tour de jeu, qui aide paradoxalement mieux son appréhension que ses explications. Une fois sa mise en place bien comprise, on se rend vite compte qu’on est face à un jeu intransigeant, plus vite encore que dans One Deck Dungeon, puisqu’un seul tour mal mené, une seule capacité utilisée sans mûre réflexion, condamne presque évidemment la petite troupe.

Il est ainsi bien normal de perdre ses premières parties, aussi faciles qu’on les veuille, puisqu’il faut le temps de comprendre l’optimisation des actions très nombreuses et d’avoir un bon aperçu des capacités des créatures pour commencer à dépasser l’exigence initiale de Set a Watch. Le thème n’en est d’ailleurs que mieux rendu, puisqu’à la manière des Spartiates des Thermopyles, on est bien la petite troupe devant faire face  la Horde sans nombre et sans pitié des monstres issus de l’obscurité. La très sympathique mécanique d’intensité du feu, qui donne son sel à la rangée des monstres, l’attribution cruciale des tâches entre le gardien et les sentinelles, les capacités qui ont également valeur de points de vie, témoignent d’une conception bien plus fine que ce que le jeu pourrait laisser croire de prime abord avec sa petite boîte et son univers vu et revu. Une expérience très recommandable, que l’on aimerait pouvoir prolonger avec des extensions !

 

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2 Commentaires

  1. Merci pour cette présentation !
    Petite note : les Personnages avec la Capacité de Combat à distance ne peuvent viser « que » la première et la deuxième carte de la Rangée avec une attaque directe, pas toutes celles révélées. Par contre, tous les personnages peuvent prendre pour cible grâce à une capacité une Créature révélée, quelle que soit sa position dans la rangée (à part capacité mentionnant une position particulière… La Hache de Jet du Guerrier par exemple!)

    Enfin, pour rebondir sur votre dernière phrase, une extension est actuellement en cours de développement !

    • Vraiment merci pour ces corrections, c’est pourtant bien la règle que j’appliquais, mais au moment d’écrire le test, impossible de retrouver la règle sur les attaques à distance, que je cherchais dans la description de la phase de guet et pas dans la description des cartes aventurier… Enfin c’est corrigé grâce à votre vigilance !
      Et sincèrement ravi que le succès du jeu permette d’envisager une extension, dont le potentiel est effectivement évident pour conférer toujours plus d’ampleur à un jeu aux mécaniques si intéressantes !