Sarah’s Vision – seule la coopération sauvera l’an 2163 de l’obscurantisme

 

Sarah’s Vision est un jeu incongru, et ce dès sa conception, puisqu’il est édité par Baloise Group… une compagnie d’assurances suisse, que rien ne prédisposait à se lancer dans un travail aussi étonnant. On sait pourtant que de nombreuses entreprises commandent à des auteurs souvent un peu réputés des jeux de société pour leurs clients (comme la version initiale de Scarabya) ou pour développer des compétences chez leurs employés, mais ce ne sont pas des productions destinées au grand public, et surtout pas d’énormes boîtes expertes à 75 euros, le genre de gamme que l’on ne voit plus qu’en KickStarter ! Pour se lancer dans cette démarche ambitieuse, Baloise Group a sans surprise fait appel à un véritable éditeur, Inside the Box, le même que l’on trouvait récemment aux manettes de Sub Terra et de ses extensions, et qui a débauché l’auteur de son NewsPeak, Anthony Howgego, associé à Archie Edwards et Peter Blenkharn, pour développer les mécaniques de Sarah’s Vision. Sans que cela soit extraordinaire, il n’est pas si courant qu’un jeu ait trois auteurs… surtout quand ils œuvrent sous la direction narrative et créative de trois autres personnes, Jonathan Bentley, Amy Clarkson et Robert Tennant. Sans compter le talentueux illustrateur Marco Luna Villela, le comité éditorial constitué par les membres du Baloise Group, et la consultation du site de critiques socioludiques Shut Up & Sit Down.
Déjà les questions se bousculent, sur l’implication d’une compagnie d’assurances dans le développement du jeu, sur sa taille, sur la combinaison de tant de talents, et on n’a même pas parlé de l’univers science-fictionnel assez développé d’une proposition qui tente d’être à la fois narrative et ludique, avec une vraie originalité mécanique et matérielle, comme on le verra très tôt. Strictement collaboratif, Sarah’s Vision s’adresse à 1 à 4 agents pour des parties d’une heure à une heure et demie.

Un jeu développé par une compagnie d’assurances ?

Baloise Group est « plus qu’une compagnie d’assurances traditionnelle. Nous concentrons nos activités sur les besoins changeants de la société en matière de sécurité et de prestations de service à l’ère numérique. » Bon, donc une compagnie d’assurances « moderne » comme on peut l’attendre d’une entreprise suisse contemporaine dans ce domaine. Sauf bien sûr qu’elle sort de ce cadre pour développer un jeu de société narratif et ambitieux.

À vrai dire, même sans savoir que Sarah’s Vision est développé par une compagnie d’assurances, on peut en trouver des indices dans un livret de règles, sur les cartes et le plateau écrits dans une langue très corporate, pleine d’anglicismes (« résolver ») quand ce n’est pas simplement de mots anglais auxquels pourtant nous avons des équivalents francophones : Scientist, Senator, HQ Tower, Engineer, Inspiration Grid, Scénario Box (!), Danger Zone, Story Cards, Leadership, Agricultural Area… Les voir employées au beau milieu de phrases françaises ne manque pas de décontenancer au début, et globalement d’exiger un relatif effort supplémentaire. Je me suis même demandé s’il ne me serait pas plus facile d’apprendre les règles avec le manuel anglais, mais me suis ravisé à l’absurdité de cette pensée, ou à la flemme de le télécharger et de le consulter en ligne alors que j’ai à disposition la version physique en français… Tant pis, le temps d’un jeu laissons les banques nous apprendre l’anglais d’entreprise, ou au moins leur franglais, tout en souhaitant une version révisée des règles !

On remarquera d’ailleurs avec étonnement que la mise en place (bien que claire et concise) n’est illustrée que par un dessin général, sans numérotation permettant de bien identifier les éléments, et que le matériel réel ne correspond pas tout à fait au matériel mentionné. Encore une fois, cela ne pose aucun autre problème que le mystère sur cette édition un peu brouillonne pour un jeu avec un tel nombre d’auteurs et de superviseurs !

 

 

Comme on peut l’imaginer, l’objectif du jeu est d’illustrer et de faire recourir à des compétences valorisées par la Baloise Group. L’intrigue s’en situe ainsi dans une Europe utopique de 2163, où « la croissance de la technologie continue de perturber, d’étonner et d’influencer la société ». Mais « une élite » réactionnaire et rétrograde veut revenir à l’âge sombre (notre époque) où les structures socio-économiques leur permettaient de détenir le pouvoir. Leur cible, les High Potential Individuals (HPI) qui créent le MindNet, une tentative de connexion des hommes pour les mener vers la Singularité. Les joueurs incarnent des membres de l’Agence, une force policière privée qui tente de lutter contre ces terroristes à l’aide de l’intelligence artificielle Sarah pour protéger les HPI qui sont clients de leur entreprise.

L’intrigue est ainsi curieuse, puisqu’elle renverse nos habitudes de la science-fiction : l’union des esprits est un thème plutôt dystopique, comme la montée des entreprises au détriment de l’État, et on n’a pas l’habitude de défendre les progrès technologiques. Mais justement, il est original de devoir adhérer à un postulat humaniste « de droite », après tout plus intéressant que les guerres et meurtres demandés par tant d’autres fictions, et qui ne nous choquent même plus ! Une fois la surprise de ce postulat passé, on sera à vrai dire plus gêné par la maladresse avec laquelle l’histoire est gérée. Les mystères soulevés par le trailer, et à la solution desquels on n’accède diégétiquement qu’à la fin du troisième scénario, trouvent tous leurs détails dans l’exposition de l’univers en première page des règles… Le scénario déjà très linéaire et simple ne s’enrichit ainsi pas des révélations et retournements promis, dommage.

Ce n’est cependant pas l’univers science-fictionnel un peu facile qui m’intriguait en acquérant Sarah’s Vision, mais l’appel à une coopération tendue, et un matériel vraiment intriguant, comme vous allez le voir…

 

Sarah's Vision

L’Agence et l’Europe de 2163

La véritable surprise matérielle de Sarah’s Vision, ce sont ses Blocs Ressource, 46 grands dominos translucides à la terminaison desquels un ou deux symboles sont représentés sur un autocollant (et malheureusement pas gravés, ce qui peut faire craindre leur décollement). On commence la partie en les mettant tous dans un sac opaque. Sauf que la boîte de Sarah’s Vision contient deux sacs (le deuxième n’est même pas mentionné dans le matériel). Bon, on les répartit dans les deux sacs, un peu curieux. Et on pioche les blocs jusqu’à en trouver deux arborant deux couleurs, que l’on place sous la colonne Ingénieur de la Grille d’Inspiration. Puis on procède de même pour les colonnes Scientifique et Sénateur. Hum, vu la taille des blocs, la pioche dans les sacs est vraiment malaisée. On préférera sans doute les balancer dans la couvercle et les piocher sans regarder. Enfin, chaque ligne de cette grille est associée à un symbole (violet, jaune, orange ou vert), de sorte qu’au terme de chacune on pose un bloc monochrome correspondant.

On pose ensuite un cube Inspiration (bleu) sur la case au croisement de ligne Ingénieur et de la colonne Ingénieur, de la ligne Scientifique et de la colonne Scientifique, de la ligne Sénateur et de la ligne Sénateur.

Il est alors temps de construire la tour de l’Agence en empilant les blocs restants par étages de trois, chaque étage étant tourné de 90° par rapport au précédent. La raison en est toute simple, puisqu’il s’agira ensuite de les extraire de la tour et qu’il s’agit de parallélépipèdes rectangles, le croisement des blocs permet de ne pas les appréhender dans le même sens selon leur étage.

On met trois des huit pions personnages disponibles dans la boîte sur leur support, pour les poser sur les cases Centre Communautaire, QG de l’Agence et Bio-Lab du plateau de Ville.

Les cubes Danger et Inspiration, ainsi que la pioche de cartes Directive, sont placés à portée des joueurs, qui récupèrent une aide de jeu.

Enfin, il n’y a plus qu’à choisir l’une des trois boîtes de Scénario et à en révéler les cinq premières cartes sur 23 (dont trois cartes de Scénario, et 20 cartes Événement). Pour une première partie, il faut naturellement opter pour la première boîte, et garder les événements dans l’ordre précisé par leur numéro. Mais si l’on refait un scénario déjà joué, on peut en ôter les cartes Histoire et mélanger le paquet, afin de garantir l’imprévisibilité et donc la rejouabilité.

 

Sarah's Vision

Sauvons le capitalisme libéral !

Les joueurs choisissent qui d’entre eux commence, première décision collective d’un jeu qui exigera beaucoup de communication pour profiter pleinement de l’expérience proposée. L’agent dont c’est le tour le pratique en quatre phases.

La première consiste à réaliser une unique action parmi cinq. Chacune a un coût en blocs ressources, que l’on paye en retirant les blocs portant le symbole demandé de la tour, puis en les reposant à son sommet. Certains de ces blocs portent deux symboles, et peuvent donc être utilisés pour payer différents coûts. Il est interdit de prendre un bloc de l’un des trois étages supérieurs, d’utiliser plus d’une main et de toucher plus d’un bloc à la fois. L’agent placé à gauche du joueur actif a le droit de la stabiliser avec un seul doigt. On est ainsi tout à fait dans une logique de tour Jenga, une mécanique pour le moins inattendue dans un jeu aux prétentions aussi sérieuses !

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Ainsi, si elle s’effondre, on résout immédiatement les cinq cartes Événement sans interférence d’actions ou de directives…On sera très heureux de posséder des cubes d’Inspiration dans les bonnes lignes de la Grille, puisqu’on pourra les dépenser au lieu d’extirper des blocs ! Notons cependant que les règles ne précisent pas si l’action que l’on souhaitait réaliser au moment de toucher à la tour est toujours permise ou non. Il serait logique que ce ne soit pas le cas (et je joue effectivement en ne l’appliquant pas), mais la résolution des cinq Événements est déjà très punitive, et une confirmation de la part des règles aurait été bienvenue sur un point aussi important.

 

Sarah's Vision jenga
Le principe du Jenga (merci wikipédia pour le gif)

 

Pour une ressource de Sénateur, l’agent actif intervertit deux Événements, leur donnant un ordre plus favorable à l’équipe.

Pour une ressource d’Ingénieur, l’agent actif révèle les cinq cartes de la ligne d’Événements (étant entendu que la première ligne est toujours révélée).

Pour quatre ressources de Scientifique (les plus nombreuses), l’agent actif retire une carte Événement révélée. Coûteux, mais salvateur.

Pour X blocs, on peut couvrir X cases des cartes Événement. Toutes se présentent en effet sous la forme d’une grille de neuf cases, dont certaines sont occupées par un symbole Danger. Les recouvrir de la sorte avec les blocs récupérés permet de ne pas en appliquer l’effet. Une fois l’Événement résolu, tous les blocs posés dessus sont replacés sur la tour.

La dernière action est gratuite, et permet la pioche d’une carte Directive.

Après l’action, on résout la première carte Événement de la file de cartes révélées. Comme on l’a dit, ces cartes Événement se présentent sous la forme de neuf cases, un carré de trois par trois qui reproduit les neuf lieux du plateau de Ville. Si un symbole Danger avec un chiffre correspond à un lieu, on place sur ce lieu autant de cubes Danger, puis on procède de même avec le symbole Inspiration. Chaque carte Événement possède en outre un effet supplémentaire, souvent le déplacement d’un HPI vers un autre lieu, d’autres la pioche, la mise à disposition de blocs de Ressources, la récupération de cubes d’Inspiration…

On appréciera beaucoup que chaque carte Événement porte un titre et quelques lignes de contextualisation. Par exemple « Des voitures autonomes provoquent des accidents – Encore une voiture sans conducteur qui s’écrase à un carrefour très fréquenté, créant le chaos. La panique commence à se répandre dans la ville ». La disposition des dangers et inspirations n’est ainsi pas si abstraite que cela, mais tente de traduire géométriquement cet élément d’histoire, ce qui leur donne parfois l’allure d’énigmes logiques, quand on ne soumet pas simplement les joueurs au dilemme du trolley !

Une fois l’Événement résolu, on le retire de la partie, on fait coulisser la file de cartes pour en ajouter une nouvelle, face cachée. Même si l’action de révéler des Événements au cours de la première phase peut s’avérer ingrate, quand on pourrait à la place piocher une Directive ou éliminer un Événement, il faudra bien qu’un joueur se dévoue tant il est indispensable de savoir à quoi se préparer pour s’assurer contre les dangers. C’est là que la communication prend tout son sens !

 

Sarah's Vision

 

La troisième phase consiste à jouer des cartes Directive. Cette fois, tous les agents peuvent participer, et en poser autant qu’ils le souhaitent, à condition de payer l’éventuel coût des cartes jouées, en blocs au symbole violet ou en cubes d’Inspiration. Suppression de cubes Danger, déplacement de HPI, pioche de cartes, octroient naturellement des avantages considérables. Si l’on pinaillait un peu, on pourrait regretter que des effets aussi simples ne soient pas transcrits sous la forme de symboles plutôt que de phrases, ce qui ne semble représenter aucune difficulté, et aurait sans doute même économisé un peu d’argent à l’éditeur, en plus de faciliter leur application intuitive.

Lors de la quatrième phase, les cubes Danger posés sur un lieu occupé par un HPI sont ajoutés à la Zone de Danger de ce personnage. S’il y en avait plusieurs sur le même lieu, le joueur actif choisir lequel est affecté. Et si un lieu non occupé contient plus de trois cubes Danger, au joueur actif de les déplacer dans la Zone de Danger des personnages de son choix, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus que trois.

Les cubes d’Inspiration posés sur un lieu occupé par un HPI sont placés dans la colonne de cet HPI sur la Zone d’Inspiration, sur la case correspondant au lieu en question. Il y a en effet deux lieux pour chaque spécialité (commandement, technique, scientifique, IA), et un dernier (le QG de l’Agence) donnant le choix de la spécialité à laquelle on souhaite attribuer le cube d’Inspiration. Les cubes qui devraient être posés sur des lieux non occupés disparaissent à la fin de la phase, de sorte qu’il faut tenter de déplacer les HPI où cela peut le mieux nous arranger.

Si les quatre sections d’une même colonne ou les trois sections d’une même ligne de la Grille d’Inspiration contiennent au moins un cube d’Inspiration, les Blocs Ressource au bout de la colonne ou de la ligne sont déverrouillés, ce qui signifie qu’on pourra les utiliser sans toucher à la tour, et après leur consomption, les disposer à son sommet. Il ne faut ainsi pas dépenser trop généreusement les cubes pour les substituer aux blocs, et idéalement attendre d’avoir débloqué les blocs correspondants.

Une fois les quatre phases résolues, c’est à l’agent suivant dans le sens horaire que parvient l’imposant jeton Premier joueur.

La partie s’achève si la Zone Danger d’un HPI contient au moins cinq cubes Danger, ou au contraire si les 20 Événements du Scénario sont passés et que les quatre HPI ont survécu. Une conclusion coopérative claire et sans fioritures, qui suffit à montrer l’importance de se consulter sur les stratégies à adopter, et la catastrophe que peut constituer l’effondrement de la tour avec ses cinq Événements irrémédiablement appliqués tous à la fois…

 

Sarah's Vision
Le QG de l’Agence, qui ressemble fort au MAS d’Anvers d’ailleurs.

Sarah’s Vision : une réussite très mystérieuse

Sarah’s Vision est d’abord mystérieux parce qu’il sort complètement des sentiers traditionnels de distribution et de promotion des jeux de société modernes. Ensuite parce que malgré l’inexpérience manifeste dès les règles de Baloise Group, Sarah’s Vision témoigne dans ses trailers, sa mécanique très originale, le soin impressionnant apporté aux illustrations et à son univers d’une véritable maturité éditoriale. Il est ainsi paradoxal que l’équipe conséquente qui en est responsable ait produit un résultat aussi profondément satisfaisant à certains points de vue, et aussi amateurisant à d’autres.

Sarah’s Vision est également surprenant par sa simplicité. À voir la taille de la boîte, on pourrait imaginer un jeu extrêmement complexe, et pourtant les règles s’en expliquent en une dizaine de minutes, et sont ensuite assez intuitives pour qu’on n’ait jamais à se reporter au manuel de jeu. Simples et claires, dès que l’on a surmonté son appréhension linguistique, elles encadrent cependant un jeu avec une véritable profondeur tactique dans la gestion des risques à venir, et la communication pour s’en prémunir et protéger ses clients… Un jeu qui nous met vraiment dans la peau d’assureurs quand on y réfléchit, sans du tout trahir cette dimension dans son univers ou au cours des parties, grâce à un très beau travail d’intégration des mécaniques dans la diégèse. D’autant que cette coopération est davantage ressentie comme état d’esprit que comme mécanique : on ne donne pas ses cartes aux autres, on ne se développe pas chacun dans son coin contre un ennemi commun, mais on partage tout, on joue comme un seul homme, ou plutôt comme une seule institution, représentée par tous ses courtiers.

Sa simplicité pourrait nuire à sa dimension narrative, et en effet, on découvre vite que les « scénarios », complètement spoilés par les règles du jeu, ne cherchent simplement pas à rivaliser avec Betrayal Legacy ou un T.I.M.E. Stories. À vrai dire, Sarah’s Vision devient même plus immersif dès lors qu’on rejoue en abandonnant les cartes Histoire, et que l’on peut s’apercevoir que la vraie histoire est contenue dans les péripéties des cartes Événement, autrement plus tendues, plus dramatiques, qu’une intrigue relativement plate et stéréotypée. J’aurais tendance à retenir cela en faveur du jeu malgré tout, parce qu’il semblait presque impossible de faire d’un jeu aussi abstrait, utilisant une tour Jenga, une oeuvre narrative, et que les illustrations et les cartes Événement s’avèrent impressionnants d’immersion, tout en garantissant une parfaite rejouabilité.

Je doute que l’on puisse attendre une extension d’une production aussi hors normes que ce Sarah’s Vision, alors qu’elle aurait indubitablement son charme. Si le prix de 75 euros me paraît élevé – bien qu’il corresponde assurément au travail de conception, d’illustration et d’édition réalisé – je trouverais sincèrement sa présence pertinente en boutiques et dans les bars à jeux, parce qu‘il mérite vraiment d’être mieux connu de la communauté des joueurs, et même plus généralement d’un public familial auquel il est parfaitement accessible, pour les sensations très intéressantes qu’il procure. Dans un monde idéal, un plus grand succès pourrait même justifier un nouveau tirage, avec une réécriture des règles qui rapprocherait Sarah’s Vision du rang de prétendant au titre de jeu du moment…

 

Sarah's Vision