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Meduris – religion, gestion et enquiquinements pour plaire au dieu celte

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Meduris – religion, gestion et enquiquinements pour plaire au dieu celte

 

Meduris est à ce jour le jeu le plus exigeant de HABA, l’éditeur pour enfants qui a ces dernières années acquis une excellente réputation d’éditeur de jeux de société familiaux, plus imposants et tactiques. Cela seul mérite déjà attention : HABA a si bien convaincu avec MountainsKaruba, Iquazù, et même avec Roi & Compagnie, le plus petit de ses jeux familiaux, que le voir pousser l’ambition un peu plus loin, tenter une incursion dans le « familial + », est assez passionnant. « Familial + » en comparaison avec les autres jeux de la gamme « Spécial Soirée Jeux » bien sûr, l’éditeur ayant toujours à cœur de se montrer accessible à partir de 10 ans, et si on le connaît aussi pour sa générosité matérielle malgré des prix extrêmement compétitifs (seulement 26 euros en l’occurrence), on se doute aussi que l’on n’aura pas affaire pour si peu à l’un de ces kubenbois multipliant ad nauseam les pièces éparses et variées. Tout de même, Meduris atteint une durée d’une bonne heure et quart (et on arrive souvent à l’heure et demie), bien plus que ce à quoi il nous a habitué.

Conçu pour deux à quatre « élus » celtes (idéalement deux, voire trois), Meduris – l’appel des dieux de Stefan Dorra (Niet, Medina) et son collaborateur régulier Ralf zur Linde (MilestonesPergamon) vous demandera de peupler le pied du mont Meduris à la demande des dieux, c’est-à-dire collecter et construire, tout cela en profitant des dessins sobres mais joliment fonctionnels de Miguel Coimbra (7 Wonders, Small World). HABA réussit-il son pari paradoxal d’un bon jeu de gestion familial ?

 

Meduris Haba

Le mont Meduris

En découvrant un jeu de gestion, on redoute souvent à juste titre la découverte de ses règles et du temps infini que prendra sa mise en place fastidieuse. Difficile donc de ne pas être agréablement surpris par la clarté et la lisibilité de celles de Meduris. Si elles font 14 pages, deux y sont allouées à la seule introduction thématique au jeu, deux soigneusement espacés et illustrées à la mise en place, une à la FAQ, une à un exemple de tour en détail, une à un résumé/récapitulatif de mi-parcours, et deux au résumé des règles. C’est en fait presque trop, les règles sont déjà si claires (et finalement pas si nombreuses) que les voir autant résumées et illustrées peut sembler excessif, surtout quand la FAQ elle-même ne fait que répéter des points tout à fait évidents. Difficile d’en faire un reproche, mais une telle volonté de tout dire et répéter est vraiment surprenant. Les règles en elles-mêmes n’occupent en effet que quatre pages, avec force images, exemples et espaces entre les paragraphes, à quoi il faut ajouter un code couleur, précisé dès la couverture, et qui permet de distinguer immédiatement l’introduction des préparatifs, le déroulement de la partie de la « finale » (?), la FAQ du résumé.

On notera malheureusement de légères maladresses de langue (répétitions très appuyées dans l’introduction, inconstance entre le tutoiement et le voussoiement), étonnamment récurrentes dans les règles de jeux HABA, mais toujours très ponctuelles et ne représentant jamais le moindre obstacle à la compréhension – ce qui explique sans doute qu’elles aient pu échapper aux relecteurs.

Meduris a enfin le mérite d’avoir imprimé des aides de jeu à l’intérieur de ses paravents, ce qui était moins évident en 2016 qu’aujourd’hui, entièrement pictographiées à l’exception de deux titres de section… en anglais. Comme il s’agit d’une pièce du jeu, il est entendu qu’il aurait été ridiculement coûteux de réimprimer les paravents pour chaque langue, surtout pour deux titres, ce choix n’est cependant pas follement heureux.

Selon que l’on joue à deux/trois ou quatre, on n’opte pas pour le même côté du plateau. Une fois celui-ci mis en place, on choisit la couleur de son élu, entre le violet et le bleu à deux, entre le violet, le bleu, le vert clair et le rouge à trois ou quatre. On place alors d’emblée le marqueur de sa couleur sur le 5 de la piste des points de victoire qui fait le tour du plateau, puis on prend un paravent et une tuile de chaque matière première (bois, laine, cuivre, pierre) que l’on cache derrière, tandis que les huttes et temples de sa couleur sont disposés devant, à hauteur de 12 huttes et 2 temples par joueur à deux, 8 huttes et 2 temples à trois ou quatre.

La piste centrale consiste en 32 cases, sur six desquelles on place aléatoirement un jeton bonus, en prenant seulement garde qu’ils soient séparés par au moins trois cases vides. Dans un coin figure un temple, où commence le druide. On remarquera que la montagne représentée sur le plateau possède quatre flancs, l’un de pâturages, l’autre de carrières, le troisième de forêt, le dernier de mines. C’est là que sont entreposées les matières premières non distribuées, une manière très judicieuse de constituer la réserve. En revanche, les pierres runiques, le dé et les jetons 100 trouvent leur place à côté du plateau.

Enfin, chaque joueur reçoit trois (à deux joueurs) ou deux (à trois et quatre) ouvriers de sa couleur, qu’il place l’un après l’autre à tour de rôle sur l’un des quatre hauts plateaux (laine, bois, cuivre, pierre), jusqu’à ce que tous les joueurs aient posé leurs trois ouvriers. Il est possible d’empiler les ouvriers, y compris sur un ouvrier qui ne nous appartient pas, mais un haut plateau n’en comportera pas plus de trois.

 

Meduris Haba

Construire, récolter, adorer Meduris

Après une mise en place somme toute assez simple et fluide pour un jeu de ce genre, il est temps de commencer à jouer, un tour se décomposant en deux phases.

Le joueur actif commence par lancer le dé. Quatre faces indiquent +1 +1 +1 dans quatre couleurs différentes, blanc (laine), vert (bois), cuivré (cuivre), noir (pierre). Tous les joueurs ayant assigné des ouvriers à la ressource donnée gagnent une ressource par ouvrier. Si c’est le +1 dans un cercle qui apparaît, tous les joueurs peuvent produire une unique matière première de leur choix, et si c’est le -1, tous les joueurs reposent une ressource.

Puis le joueur actif décide de l’action à accomplir parmi seulement trois choix.

Le premier consiste à prendre l’un de ses ouvriers, sur quelque plateau que ce soit et quelle que soit sa position, et à le poser sur le haut plateau de son choix au-dessus des ouvriers déjà présents (toujours en respectant la limite de trois ouvriers superposés). Si l’ouvrier finit seul sur un haut plateau, il produit une ressource correspondante, mais s’il y avait déjà un ouvrier, il produit deux ressources, et l’ouvrier en-dessous de lui une, et s’il est le troisième ouvrier, il en produit trois, le deuxième deux, et celui tout en-dessous une. Un même joueur peut ainsi gagner jusqu’à six ressources, ou en laisser à ses adversaires s’il a diversifié ses activités, un système très équilibré et bien pensé.

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Meduris Haba

 

Le deuxième consiste à construire l’une de ses huttes de bois. On sélectionne d’abord une case non bâtie. Si celle-ci portait une tuile bonus, on gagne selon la tuile deux points de victoire, le droit de construire sa hutte gratuitement ou une offrande à utiliser plus tard. Toutes les cases portent deux ressources, qu’il faut dépenser (sauf gratuité de la construction) pour ériger sa hutte. À moins qu’une hutte soit déjà construite à côté de la case qui nous intéresse. Une suite de huttes est appelée « colonie », et chaque nouvelle hutte y est plus chère que la précédente. La deuxième coûte ainsi le double des ressources, la troisième le triple, etc. Si la dépense peut sembler somptuaire, il faut bien songer qu’un adversaire qui voudrait s’agréger à la colonie devra débourser beaucoup, de sorte que l’agrandissement de colonies sert également à mettre les autres joueurs dans l’embarras. En l’absence d’une matière première, il est possible tout au long du jeu d’échanger trois ressources quelconques contre une ressource de son choix. Or le plateau est divisé en neuf districts, chacun portant un symbole runique. Une fois la hutte posée, on récupère la pierre runique du district où se trouve la hutte, et si un adversaire l’avait déjà, on la lui prend.

La construction fait par ailleurs avancer le druide. Les trois premières huttes le font simplement progresser sur les dalles de pierre devant son temple. À la quatrième, il arrive sur le sentier qui fait le tour de la montagne, et à partir de ce moment, se déplacera instantanément vers la hutte suivante dans le sens des aiguilles d’une montre. Le propriétaire de cette hutte peut alors lui faire une offrande, c’est-à-dire donner les ressources premières correspondant à la case où sa hutte a été construite. En ne donnant rien, on perd un point de victoire, en donnant une ressource seulement on en gagne un, en donnant les deux (ou en donnant le jeton bonus druide), on reçoit autant de points que de huttes dans la colonie, à qui qu’elles appartiennent. Puis le druide va à la maison suivante de la colonie, dont le propriétaire peut à son tour procéder à l’offrande, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la colonie. Enfin, si en se déplaçant le druide franchit le grand fleuve, chaque joueur reçoit un point de victoire par pierre runique qu’il possède.

 

Meduris Haba

 

L’emplacement d’une hutte peut donc être motivé par les ressources que l’on possède, par un éventuel bonus ou la pierre runique, par l’agrandissement d’une colonie (quitte à s’agréger à des huttes adverses), par la volonté de déplacer le druide vers l’une de ses colonies pour gagner des points grâce à des offrandes, ou vers la colonie d’un joueur qui ne pourra pas réaliser l’offrande, ou par-delà le fleuve… Une action très simple qui possède donc de lourdes implications tactiques, dans une mécanique assez heureuse.

La troisième action consiste enfin à édifier un temple. On sélectionne alors une case sans hutte ni jeton bonus, on dépense les matières premières requises, on place le temple sans récolter la pierre runique, et on déplace le druide. Le temple n’a aucune fonction immédiate, mais prendra tout son sens à la fin de la partie.

Une fois l’action réalisée, c’est au joueur suivant de jouer, de sorte que les tours sont assez courts. Et dès qu’un joueur a édifié deux temps et construit toutes ses huttes, on passe à la conclusion de la partie.

Les autres élus jouent alors une dernière fois. Puis le druide fait un tour complet du plateau en demandant à chaque hutte une offrande, selon les règles habituelles, sans qu’on prenne en compte le franchissement (nécessaire) du fleuve. Les propriétaires des temples reçoivent ensuite autant de points que de huttes dans la colonie où se trouve le temple, qui que soit leur propriétaire. Enfin, on marque un point pour la première pierre runique que l’on possède, deux points pour la deuxième, trois points pour la troisième, etc. Un joueur en possédant deux marque donc trois points (1+2), un joueur qui aurait accumulé les neuf (cas purement hypothétique, ce n’est sans doute pas possible), 1+2+3+4+5+6+7+8+9, soit 45.

L’élu possédant le plus de points bénéficie du regard bienveillant des dieux et prendra la tête de la tribu. En cas d’égalité, les lauriers vont à celui qui possède le plus de maisons et temples, et en cas de nouvelle égalité, à celui qui possède le plus de matières premières. Mais il y a tant de points que les égalités semblent rarissimes (je n’en ai en tout cas jamais rencontré).

 

Meduris Haba

Meduris, impeccable introduction au jeu de gestion ?

Meduris a reçu un accueil assez froid, pas glacial, mais très loin d’être enthousiaste, et je ne comprends pas pourquoi. Certes on pourra lui reprocher son manque de profondeur, mais il n’a pas la prétention de devenir une nouvelle référence du jeu de gestion expert ! Il se veut juste assez corsé pour initier très correctement les enfants de 10/12 ans au genre (pour ne pas les lancer tout de suite dans Noria) ou amadouer les allergiques aux gros jeux de gestion, avec des mécaniques similaires mais tout de même bien moins d’exigence et de possibilités. Il n’a pas l’élégance mécanique d’un Cuzco, et surtout quelques choix graphiques peuvent paraître légèrement désuets (dans ce domaine, la qualité a fait un bond imprévisible ces dernières années), pourtant il est accessible, fluide, constamment clair. Peut-être paraît-il un peu long pour un jeu d’une telle simplicité ? Il suffit d’ôter deux ou trois huttes à chacun, une décision que j’ai personnellement prise assez vite et qui s’est en effet avérée bienvenue.

Et au fond, Meduris fait du bien, face à une concurrence dans le domaine où il faut toujours plus de choix et de complexité, et où un joueur à peu près lambda se retrouve à agir presque aveuglément, incapable de comprendre sur le moyen terme les implications en termes de score de ce qu’il fait. La comparaison avec Cuzco est ainsi assez justifiée : ce sont des jeux de gestion où l’on sait ce que l’on fait, et ce, dès la première partie, des les premiers tours. J’aime beaucoup les NoriaXi’An et autres Nemeton, mais c’est agréable, un jeu de gestion que l’on peut sortir avec tout le monde, qui fasse chauffer les neurones juste ce qu’il faut et ne frustre personne. Et pour un prix de surcroît ridicule pour l’expérience proposée, je ne vois pas pourquoi bouder son plaisir.

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