Les Combattants d’Ixalan – Magic tente le King of the Hill
Il y a quelques semaines, nous vous présentions le dernier bloc de cartes à jouer et à collectionner Magic the Gathering : Ixalan. « Dernier » aux deux sens du terme : Ixalan est le bloc le plus récent et sera l’ultime représentant du paradigme des blocs avant le passage au paradigme « 3+1 », c’est-à-dire à trois éditions indépendantes et à une édition de base par an. Or les blocs ne comptent plus que deux éditions depuis Bataille de Zendikar (automne 2015), de sorte que Les Combattants d’Ixalan, dont les 196 cartes sont sorties il y a deux semaines, est l’édition qui conclut l’arc narratif autour de l’univers d’Ixalan, et dont nous aimions particulièrement les références et le caractère hétéroclite. Est-ce l’occasion d’un grand final ou seulement d’une édition de transition, opéré rapidement dans la hâte des grands changements à venir ? La réponse se trouve dans notre rapide présentation des Combattants d’Ixalan.
Simplification du lore
L’univers d’Ixalan, on s’en souvient, ressemblait à la juxtaposition arbitraire de tribus, races et espèces tirées au sort dans une encyclopédie : des dinosaures et les indigènes de l’ancien Empire du Soleil y rivalisaient avec des pirates, des ondins et les vampires de la Légion du Crépuscule pour découvrir la Cité perdue d’Orazca, où se situerait le Soleil immortel, source légendaire d’un pouvoir illimité, mais dont la découverte réveille les dinosaures ancestraux.
Ce chaos empire avec la présence des planeswalkers, des arpenteurs se mouvant de plan en plan et dont plusieurs se retrouvent sur Ixalan pour des raisons différentes, le minotaure Angrath parce qu’il y est coincé depuis des années, la gorgone Vraska parce qu’elle a été chargée par le redoutable dragon Nico Bolas de lui rapporter le Soleil immortel, et son grand ennemi, Jace parce qu’il y a été mystérieusement envoyé par une puissance qui a effacé sa mémoire. Or Vraska et Jace commencent à avoir des sentiments l’un pour l’autre, ce qui risque de ne pas durer si Jace retrouve la mémoire, tandis que Vraska semble vouloir quitter la férule de Nico Bolas. Et que vient faire le Sphinx Azor en Ixalan ? Quel est son lien avec Orazca et le Soleil immortel ?
Bref, les scénaristes de Magic : the Gathering ont élaboré une trame narrative particulièrement intrigante, mêlant magie, géopolitique locale et cosmique, amours interdites et quête aventureuse d’un artefact légendaire, dont il est certain qu’elle pose également de nouvelles bases pour les éditions à venir, d’autant que l’étau se resserre dans Les Combattants d’Ixalan. Nécessairement, dans un bloc ne comptant que deux éditions, la première doit poser les bases de l’univers et la seconde immédiatement en proposer le climax, ce qui est probablement une bonne chose : l’histoire en est plus resserrée, mais les concepteurs ont davantage d’espace de création pour des univers plus variés, des déclinaisons « concept » qui vont probablement se multiplier avec le 3+1. Les belligérants ont en effet découvert Orazca et convergent donc enfin vers le même lieu pour un affrontement intense et définitif, dont seul le vainqueur pourra accéder aux richesses de la Cité d’or et à la toute-puissance promise par son trésor le mieux caché…
King of the hill
Bien sûr, ce travail de scénarisation peut paraître annexe, voire sembler un prétexte artificiel et mercantile à la création débridée de nouvelles cartes, puisqu’il n’a après tout aucune incidence sur le jeu, et que les cartes elles-mêmes n’ont pas d’incidence sur l’histoire (que l’on ne fait pas évoluer en jouant). Et de fait, l’effort des concepteurs se porte habituellement sur la caractérisation des créatures (avec les couleurs, les types, la représentation dessinée, des capacités « tribales » comme le saccage ou la rage) pour construire une diversité et des spécifications incitant le joueur à reconstruire une cohérence au sein de son deck. La tentative la plus notable de changer la perspective en redonnant de l’importance au monde avait été l’introduction des plans, grandes cartes non-permanent indiquant le plan de réalité sur lequel le combat se déroulait, pouvant changer en cours de partie, et ayant une influence sur le déroulement de la partie cohérent avec son lore. Mais outre que cela avait déjà été fait il y a des années, l’idée n’aurait pas eu de sens dans un univers ne se développant que sur un plan, et l’addition aurait été trop vaste pour une petite extension. Cependant, il est évident qu’il fallait faire quelque chose d’Orazca, ajouter quelque chose qui donnerait à la Cité d’or une présence dans la partie.
C’est ainsi que fut imaginée l’Ascension, seule nouveauté des Combattants d’Ixalan (il faut dire qu’Ixalan en avait introduit beaucoup). Le principe est simple : si à un moment de la partie vous possédez dix permanents, vous obtenez « l’agrément de la cité », un pouvoir abstrait que rien ne peut entraver et que plus rien ne pourra vous ôter, même si vous perdiez l’intégralité de vos permanents. Toutes les cartes possédant l’Ascension ont un avantage si vous avez l’agrément de la cité, et toutes les cartes accordant un avantage si vous avez l’agrément possèdent également l’Ascension. En effet, s’il fallait conjuguer cartes requérant l’agrément et cartes permettant l’Ascension, cela imposerait des decks spécifiquement orientés « Ascension », alors que l’objectif est que tous les decks puissent contenir une ou plusieurs de ces cartes, quelle que soient leur orientations et leurs spécificités chromatiques, tribales, etc.
L’exigence de dix permanents est une limite intéressante, tout à fait abordable, et pas trop rapide, de sorte qu’il faut avoir bien entamé la construction de son armée et de sa civilisation pour se faire remarquer par Orazca, et donc avoir assez de puissance pour mériter l’agrément de la Cité. Je n’ai somme toute qu’un regret avec cette nouveauté des Combattants d’Ixalan, c’est que l’agrément soit éternel et potentiellement universel, étant donné que tous les joueurs possédant au moins dix permanents et jouant une carte avec l’Ascension peuvent en disposer en même temps, alors qu’il m’aurait paru plus intéressant en termes de tactique comme de cohérence d’univers d’admettre qu’un joueur perdant des permanents jusqu’à descendre en-dessous de dix n’est plus digne de l’agrément, voire qu’un seul joueur peut avoir l’agrément en même temps (même si en l’occurrence c’est assurément plus difficile à mettre en place dans le gameplay).
Mentionnons d’ailleurs que cette extension tire mieux parti qu’Ixalan des cartes recto-verso pour des terrains enfin puissants autour d’Orazca, ce qui est encore une très appréciable appropriation du lieu par le jeu.
Une guerre équilibrée
Les Guerriers d’Ixalan me paraît plus équilibré qu’Ixalan, en ce qu’elle me paraît contenir moins de cartes extrêmement chères/extrêmement puissantes (mais il y en a quand même, ne vous inquiétez pas !), et moins de cartes à l’intérêt douteux. Et c’est assurément une bonne chose quand je pense aux deux rares identiques et tout de même assez faibles que j’avais reçues sur dix boosters d’Ixalan. On me dira qu’il n’existe pas foncièrement de mauvaises cartes, surtout de mauvaises rares, et qu’elles révèlent sans doute un potentiel remarquable dans certaines configurations, et c’est très probablement vrai ; il n’empêche qu’à observer toutes les cartes des deux éditions, celles des Combattants d’Ixalan m’ont semblé sensiblement plus adaptables à des decks normaux. Et ce qui n’enlève rien, les cartes sont vraiment belles, des dinosaures (évidemment) jusqu’aux vampires, qui sont pourtant souvent représentés sans génie sur les cartes Magic. Seuls les pirates continuent réellement de pâtir d’un design très classique, mais il faut dire que le type se prête forcément mieux à la répétitivité.
J’en profite donc pour partager quelques-unes des cartes qui ont retenu mon attention, toujours en en conservant la plupart cachées afin de ne pas vous priver entièrement du plaisir de la découverte !