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La Boîte à Musique : les musiques horrifiques

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La Boîte à Musique : les musiques horrifiques

 

Bonjour à tous et bienvenue dans ce numéro spécial de votre chronique musicale sur Vonguru. Vous l’aurez compris, il sera question ici de musique, et plus particulièrement des musiques qui ont bercé et qui continuent de bercer l’univers geek, qu’il s’agisse de jeux vidéo, de films ou d’animés. Le format de cette chronique pourra varier d’un numéro à l’autre selon les musiques qui vous seront proposées. Présentations, analyses, extraits de partitions seront autant d’éléments que vous pourrez retrouver dans la boîte à musique de Vonguru.

VonGuru suivra aujourd’hui la vague d’Halloween : à quelques jours des échanges de bonbons et des déguisements sanguinolents, nous nous penchons aujourd’hui sur ces musiques qui font peur, celles dont quelques notes suffisent à insuffler l’effroi, et plus particulièrement du côté du cinéma. Fermez donc vos volets, éteignez les lumières et montez le son de votre casque : c’est parti.

 

Si le cinéma parvient depuis longtemps à nous effrayer, et de bien des manières, il est tout de même évident que même le meilleur film d’horreur, dépourvu de son, retombe bien vite sur l’échelle de l’angoisse. Au même titre qu’une belle musique qui sublime la scène d’un film, sa musique horrifique viendra habiller l’action, l’accentuer, souligner le sursaut ou l’image dérangeante, sans oublier le fait d’instaurer une ambiance, celle de la tension latente et progressive ; on ne la discerne pas toujours directement, et pourtant, c’est insidieusement qu’elle se glisse jusqu’à nos oreilles, presque toujours comme un élément précurseur à l’horreur visuelle et concrète. Pour parvenir à cela, et comme dans tout genre musical, de nombreux procédés d’écriture existent, et l’on parvient alors grâce à eux à catégoriser le type de peur que l’on souhaite distiller dans l’extrait. Explorons donc ces techniques d’écriture au travers de quelques extraits, à tête reposée, sans le support de l’image qui a souvent tôt fait de nous détourner du son.

 

 

Les demis-tons, les dissonances et les accords

 

Une musique horrifique se doit d’être avant tout omniprésente, parfois latente, parfois percutante, mais toujours dérangeante à l’oreille. Pour cela, les compositeurs se basent sur des schémas musicaux réputés comme étant « dissonants », c’est-à-dire, difficiles à écouter. Cette notion, purement culturelle et historique fait donc que nous sommes habitués à entendre certains enchaînements plus que d’autres. Ces derniers, beaucoup plus rares, sont donc utilisés pour provoquer un malaise auditif. Ainsi, des intervalles comme celui de la seconde, de la septième, ou encore du triton (la fausse quinte pour les fous de solfège) sont perçus comme désagréables dans notre représentation musicale, et ils sont donc omniprésents dans toute musique à suspense. Il reste à noter que cette vision manichéenne de ce qui est écoutable ou non varie avec le temps, et de cette manière, on sait désormais que les intervalles qui abondent dans la pop et la variété étaient jugés sacrilèges au Moyen-Age (et comme des images valent mieux qu’un long discours, rendez-vous sur ce sketch de Kaamelott)

En plus des dissonances, on retrouve l’enchaînement très « cliché » de demi-tons, intervalle popularisé entre autres par la bande-originale du film « Les Dents de la Mer » (ce même thème ayant par ailleurs servi de support au générique du JT de TF1… c’est par ici). Le rythme marqué de la musique, ainsi que cette alternance de demi-tons provoque donc l’angoisse et l’effroi, tout comme c’est le cas pour l’oppressante musique de Psychose. Ce procédé, toutefois un peu passé de mode, résonne aujourd’hui comme un cliché, mais il reste cependant très efficace, utilisé subtilement et avec parcimonie. Vous pouvez également retrouver ce fameux procédé du demi-ton dans une des musiques du film Eyes Wide Shut.

 

 

Enfin, certains enchaînements d’accords, que l’on ne retrouve jamais dans nos chansons pop et variétés, même les plus tristes, suffisent à instaurer un climat propice au malaise, à la peur, l’angoisse, voire même à l’urgence, comme c’est le cas dans le générique de la série The Walking Dead : on y retrouve des enchaînements d’accords particuliers qui, en plus des rythmiques irrégulières créent la tension, et la sensation de danger imminent.

 

 

 

Les comptines et berceuses

 

Un autre grand code du genre, vous l’aurez compris, consiste à orienter la musique vers un caractère de berceuse ou de comptine pour enfants, afin de créer un décalage pour le moins malsain. On entre alors dans les souvenirs de nos peurs primaires, à grand renfort de monstres sous le lit, et de clowns malveillants. Là encore, rien de très nouveau, et pourtant, c’est diaboliquement efficace. Qui plus est, cet aspect « infantilisé » de la musique lui confère, dans la plupart des cas, une dimension assez triste, mélancolique, voire poétique dans certains cas, ce pourquoi on retrouve ces thèmes particuliers dans des films où l’ambiance et la tension cohabitent pour sublimer un scénario plus fouillé et tourmenté. C’est le cas du thème de Silent Hill par exemple, de Candyman, ou encore dans des films tels que The Ring. Pour les Loliens, le thème musical de Thresh reprenait également ce stratagème.

 

 

 

 

 

 

 

 

Enfin, et dans le même ordre d’idée, on retrouve les thèmes musicaux jouant sur la répétition de notes. On développe alors une mélodie dont chaque note est ponctuée d’une autre, médiane, et cela crée alors un sentiment assez hypnotisant et captivant pour l’auditeur. La répétition systématique de ces cellules fonctionne, et c’est principalement dans des films tels que L’Exorciste ou encore dans Death Note que l’on s’en souvient.

 

 

Les ambiances

 

Enfin, il y a ces musiques que l’on ne parvient pas réellement à définir en tant que telles, puisqu’il s’agit davantage d’une ambiance sonore, plus que d’une réelle trame mélodique. Ces musiques-là se font depuis des dizaines d’années, et rencontrent toujours autant de succès, puisque l’on s’en rappelle difficilement. En effet, pas de mélodie à retenir, ni rien de marqué dans le tempo ou la pulsation : une simple accumulation de notes, où l’on retrouve nos fameux intervalles qui dérangent. Parfois même, les personnages du film entendant certains sons de la vie de tous les jours, au sein même de la musique : ce type de morceaux sont appelés « diégétiques » et font partie intégrante de l’action. Ainsi, ces musiques d’ambiance servent davantage à créer une immersion dans l’esprit du personnage mis en scène, comme pour entrer dans son état d’esprit, sa peur, son danger ou encore sa folie.

Les musiques d’ambiance servent à accompagner un suspense visuel, qui progressivement arrivera au dénouement d’une action, ou encore à un sursaut. Ces thèmes musicaux sont en fait écrits sur base de contrastes : on y retrouve les aigus qui s’opposent aux graves, le calme qui s’oppose au violent coup de percussion, etc. On veut insinuer la peur, la distiller sans que le spectateur ne s’en rende compte jusqu’au moment-clé de l’action. Essayez donc une de ces scènes vidéo en coupant le son : vous verrez, il ne reste plus grand chose de l’effroi. Dans cet état d’esprit, on peut mentionner l’excellent travail sonore effectué dans The Dark Knight, chaque fois que le Joker raconte l’origine de ses cicatrices. Prenez bien garde à l’ambiance musicale qui règne et progresse derrière le monologue de l’acteur, pour générer, puis accentuer le malaise :

 

 

 

Certains bruitages, en eux-mêmes, contribuent parfois à provoquer l’effroi ou la menace. On peut notamment se souvenir du bruit que produisent les vaisseaux dans « La Guerre des Mondes », ou encore d’un simple cri qui suggère la violence d’une action. L’impact des bruitages est donc, vous l’aurez compris, vital dans le fait de véhiculer la peur dans l’image. Certains films, et de manière beaucoup plus « sournoise » ont même été jusqu’à insérer dans leur bande-originale des ultra-sons ou infra-basses, presque inaudibles, mais qui provoquent pourtant chez le spectateur un sentiment plus ou moins fort de malaise, de vertige, voire même de nausées. L’impact est d’autant plus troublant que ces derniers spectateurs ne parviennent pas à réellement distinguer l’origine du malaise, dont ils imputent l’entière responsabilité à l’image ; pourtant, elle n’est alors pas la seule responsable.  On retrouve notamment cet exemple dans la première demie-heure du film de Gaspard Noé, Irréversible.

 

 

 

Maintenant que vous avez quelques clés en main pour mieux comprendre ces musiques qui vous font frissonner, prenez le temps, lors d’un futur visionnage de film d’horreur, d’analyser un peu sa musique, sous le prisme des différents procédés d’écritures énoncés ici. Vous serez parfois surpris de voir (et d’entendre) que la peur ne se crée parfois qu’avec peu de choses ! C’est donc sur ces quelques mots que je vous laisse, cher lecteur, sans oublier de vous avertir de prendre garde au monstre sous votre lit, à la menace derrière votre fenêtre, ou au fantôme, juste derrière vous…

 

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