The Defenders – Daredevil, Jessica Jones, Iron Fist et Luke Cage sont-ils les Avengers de la télévision ? Critique sans spoil de l’intégralité de la série.

On a déjà dit et répété tout le bien qu’on avait pensé des deux saisons de Daredevil et de celle de Jessica Jones, aussi bien dans des critiques individuelles qu’en récapitulant et défendant nos séries préférées de 2016 ou en faisant le bilan des films et séries Marvel et DC Comics. À un moment où Disney/Marvel commençait à décevoir sur le grand écran, ce vent de fraîcheur ne soufflait pas que sur un studio dévoilant ses difficultés à trouver de l’originalité dans ses films, il était rassurant pour l’industrie super-héroïque tout en contribuant à hisser Netflix au sommet de qualité qu’on lui reconnaît aujourd’hui. Comment alors ne pas se réjouir de l’annonce d’autres héros destinés à rejoindre les deux premiers dans une série commune ? Malheureusement, Luke Cage puis surtout Iron Fist furent les déceptions que l’on sait, pas des séries médiocres mais pire encore, des séries donnant l’impression que l’idée était mauvaise, et qu’il n’y avait rien d’autre à faire de cet univers…

Enfin, The Defenders reste une production Marvel/Netflix, on avait la certitude de retrouver des personnages aimés à l’univers intéressant, la promesse de spin-offs consacrés à Elektra et le Punisher semblent conduire la collaboration dans des sentiers rêvés, et puis tout de même, il s’agit d’un des plus ambitieux projets télévisés de l’histoire du média ! Bref, difficile de ne pas engloutir The Defenders le jour-même de sa sortie, pour livrer aussi vite que possible un avis plus complet que les critiques vous proposant une critique d’une série dont ils n’ont reçu que les quatre premiers épisodes en avance (ce qu’ils omettent généralement de préciser dans leur titre) !

Pas très inspiré tout ça, après le sombre générique de Daredevil et celui, superbe, de Jessica Jones

Rupture ou continuité ?

La première chose qui frappe avec les Defenders, c’est le nouveau format adopté : alors que les cinq saisons précédentes duraient chacune 13 épisodes, et donc presque autant d’heures, celle dont on pensait qu’elle allait battre tous les records n’en compte que huit. Sans doute une manière radicale de montrer aux spectateurs que leurs critiques sur les intrigues à tiroirs et la succession artificielle de méchants de Luke Cage et Iron Fist ont été entendues. Et de fait, The Defenders se regarde enfin à nouveau (comme Daredevil et Jessica Jones) comme un film en huit épisodes, avec une continuité forte et sans donner l’impression de n’explorer des pistes que pour remplir le créneau horaire en attendant qu’il se passe quelque chose.

L’histoire se veut également plus linéaireIron Fist avait confirmé ce que l’on avait essentiellement perçu dans Daredevil, la grande menace pesant sur les Defenders est celle représentée par la Main, et la série promet ainsi de se consacrer exclusivement à ce problème. Qui en est vraiment un, de problème, parce que la Main n’a jamais été un adversaire bien excitant, et il était vraiment plus que temps de mettre un terme à toutes ces histoires de dragon, de K’un-Lun, de Madame Gao, d’immortalité et de combat pluri-millénaire sur fond de complot mondial, qui créaient de l’enjeu au détriment des interrogations plus fondamentales sur l’identité, la difficulté à assumer l’héroïsme et à se reconnaître comme héros, et donc le rôle du super-citoyen dans une société en crise. Et en effet, il ne faut rien attendre d’autre de The Defenders que l’opposition à la Main. On comprend que le sujet n’ait pas inspiré les scénaristes pour plus de huit heures…

 

 

La curiosité principale du spectateur va naturellement aux conditions de la rencontre entre les quatre protagonistes et leurs personnages secondaires (qui ont toujours été l’un des points forts de ces séries), puis à leur dynamique de confrontation/collaboration. Et jusqu’au troisième épisode, cela peine à se mettre en place, l’idée de montrer le cheminement de chacun pour rendre logique leur association se faisant à coup d’occasions manquées (et donc d’excitation brisée du spectateur), de scènes d’un pur intérêt d’exposition balourde (et donc finalement peu intéressantes), tout cela pour qu’ils se retrouvent enfin ligués plutôt par hasard que grâce à la chaîne d’événements racontée dans ces deux heures et demie, bon…

Pourtant, il faut tenir, aussi fastidieux et grotesques que puissent être les deux premiers épisodes et demi, la suite est autrement plus satisfaisante. Oui, même quand Danny Rand se rend devant le Conseil d’Administration d’une grande entreprise dont il a compris qu’elle constituait en fait la Main pour leur dire, seul et sans préparation, qu’il était l’Iron Fist et qu’il ne les laisserait jamais en paix… Une ânerie digne du personnage, mais tout de même bien pire que toutes les naïvetés qu’il nous avait infligées dans sa série, et dont le ridicule pourrait légitimement faire décrocher le spectateur le plus persévérant.

On ne peut pas dire que les relations entre les personnages soient inattendues. L’alchimie entre Jessica Jones et Luke Cage reste une évidence bienvenue, parce qu’elle s’appuie sur une histoire parfaitement construite et parfaitement interprétée pendant la série Jessica Jones, tandis que les autres ne parviennent pas à créer de liens forts les uns avec les autres. Afin qu’une relation soit profonde, il faut que chaque personnage devienne un prolongement de la vie de l’autre, un élément certes dissociable, sans lequel on peut encore penser l’autre comme un être à part, mais dont on ressente l’absence quand on en parle pas.

Ainsi, on peut dresser de Jessica Jones un portrait tout à fait complet sans mentionner Luke Cage, mais quand on le mentionne, Luke Cage s’intègre si bien au portrait de Jones et y prend une place si révélatrice et si forte que l’on se demande comment on aurait pu l’occulter. Or, il est frappant de constater à quel point cette alchimie est inexistante en dehors de la relation entre Jones et Cage. Les scénaristes s’obligent à trouver des prétextes pour que chaque personnage se retrouve seul à un moment avec chaque autre du quatuor afin de faire croire à une dynamique, et naturellement cela ne suffit pas…

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Même les personnages secondaires sont relégués au second plan malgré tous les efforts des scénaristes pour les rendre omniprésents. Le tout n’est pas tant de les montrer que de les rendre indispensables à la compréhension de l’histoire, ce qui est à peine le cas de Claire ou Colleen, et pas du tout de Foggy, Karen, Trish… Il était évident qu’ils auraient du mal à trouver leur place à côté d’un quatuor de personnages principaux qu’il fallait mettre en valeur pour leur première apparition commune, mais les showrunners semblent avoir oublié que la rencontre entre les personnages n’était intéressante que parce qu’elle signifiait la rencontre entre leurs différents univers. Jouer sur les couleurs des plans en fonction du super-héros représenté paraît ainsi un peu vain quand on ne donne aux personnages secondaires qui façonnent l’univers Marvel/Netflix la fonction que de prétextes, adjuvants plutôt présents pour faire signe vers l’unité de l’univers que pour leur utilité psychologique ou dramatique…

Et il faut bien insister sur l’intitulé d’ « univers Marvel/Netflix ». Normalement, cet univers est le MCU, c’est-à-dire qu’il est commun aux films, comme venaient le rappeler plusieurs références parcimonieusement distribuées dans les séries précédentes. Il serait cependant plus que temps que Marvel en prenne acte, et c’est le contraire ici, The Defenders ne cherchant même plus à faire croire que les Avengers existent aussi. J’ai pu manquer quelque chose – et j’espère vraiment que vous me direz dans les commentaires que j’ai tort – mais il ne me semble même pas avoir vu la Stark Tower sur les plans montrant New York… Comme il aurait été facile au contraire de créer ce « sense of wonder » dont manque tant The Defenders en faisant apparaître le temps d’une seule réplique un personnage des films !

Les personnages principaux profitent-ils du moins de la négligence des personnages secondaires ? Si leur temps à l’écran doit être à peu près égal, Daredevil est nettement plus travaillé que ses supposés collègues, d’abord parce que son arc était déjà lié à la Main, ensuite parce que les showrunners ont fait revenir Elektra, ayant eu la très juste intuition que Madame Gao et une Sigourney Weaver honteusement plate ne constitueraient pas un enjeu suffisant. Il n’en est pas moins résumé à sa quête d’une rédemption d’Elektra, tandis qu’Iron Fist cherche essentiellement à accomplir sa destinée, que Luke Cage ne désire que protéger puis venger un garçon noir de Harlem, et que Jessica Jones enfin veut simplement poursuivre une enquête qu’on lui a confiée…

Marvel avait vendu ses Defenders comme des Avengers anti-héroïques, super-héros refusant ce statut, foncièrement généreux mais sans cesse confrontés à des dilemmes moraux et des épreuves physiques d’une grande dureté. Mais il y a un moment où il ne suffit pas de faire répéter dix fois à chacun qu’ils n’aiment pas le « mot en super-… » et qu’ils ne désirent rien d’autre que « [introduire un motif dérisoire pour justifier le fait qu’on sauve le monde sans l’assumer] », surtout si cela nécessite de refaire parcourir à Jessica Jones le même cheminement moral que dans la série qui lui était déjà dédiée, celui de l’alcoolique égocentrique qui découvre l’existence des autres… Combien de fois peut-on nous raconter la même histoire avec le même personnage pour dissimuler une incapacité à raconter quelque chose de neuf ?

 

 

 

The Defenders, une série qui défend mal l’honneur du MCU

Alors que Marvel/Netflix avait placé The Defenders entre les mains de Douglas Petrie et Drew Goddard, responsables créatifs de Daredevil, The Defenders se place dans la continuité exacte d’Iron Fist, tant sur le plan dramatique qu’esthétique, et finalement plus décevante encore par son peu d’originalité. On ne peut cependant nier que la rencontre entre les quatre personnages était si attendue qu’elle a son charme, dont le pouvoir de divertissement culmine entre la fin du troisième épisode et le début du quatrième, et que la dissymétrie dans leur traitement n’empêche pas une heureuse mise en valeur du Diable de Hell’s Kitchen et de son amante psychopathe. Ce n’est assurément pas ce qu’on attendait d’une série intitulée The Defenders, mais cela la rend regardable plutôt qu’entièrement dispensable. Les plus téméraires devront attendre les très prometteurs Punisher et Elektra pour espérer que Marvel recommence à s’imposer dans le paysage sériel à une époque où la Fox promet de lui mener la vie dure

The Defenders
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