The Last Girl – Un vent nouveau sur les films de zombies ?

 

Si l’on devait prendre le temps d’énumérer toutes les œuvres cinématographiques ou vidéo-ludiques qui pullulent autour de l’univers post-apocalyptique, nous en aurions pour un moment. Cela étant, chaque sortie médiatisée du genre provoque son lot de hype, d’interrogation, de surprise, et malheureusement, le plus souvent, de déceptions. Comme tout genre poussé dans ses retranchements, les poncifs du post-apo zombiesque sont redondants, et il est parfois difficile de créer la surprise et l’étonnement tant les clichés ont été vus, revus et plus qu’entretenus au fil des années. C’est cependant avec un accueil assez enthousiaste que The Last Girl – La fille qui a tous les dons, s’est fait remarquer. Perdu à mi-chemin entre The Last of Us, La Route, et 28 jours plus tard, le long-métrage de Colm McCarthy (réalisateur d’épisodes de Peaky Blinders, Doctor Who, Sherlock… tout de même !), issu du roman éponyme de Mike Carey, nous offre une sorte de bouffée d’air frais dans un univers épuisé, comme le charme d’un film indépendant qui ne cherche pas à trop en faire en convaincant tout de même assez bien… Retour sur cette belle surprise donc, film lauréat du prix du public à Gérardmer.

 

 

The Last Girl nous présente en fait un futur dystopique où l’humanité, ravagée par un mystérieux virus (à l’ouest, rien de nouveau…) se retrouve en extinction imminente. Comme seul espoir, un groupe d’enfants, issus d’une nouvelle génération « d’affamés » qui, à l’inverse des autres adultes zombies, violents, sanguinaires et hors de contrôle, semblent disposer d’une conscience, d’une empathie, et d’une réelle humanité persistante. Ces enfants sont donc maintenus dans une base souterraine, ballottés entre les expériences eugénistes et radicales du Docteur Caroline Caldwell, et la bienveillance de leur institutrice, Miss Justineau. Si cette dernière semble placer un espoir et une affection certaine dans ces enfants, et plus particulièrement Mélanie, sensible, avenante, redoutablement intelligente, les militaires et Mrs Caldwell n’en restent pas moins conscients du danger qui rôde autour de ces petits anges, rapidement assoiffés de sang lorsque soumis à l’odeur d’autrui. The Last Girl débute donc en nous infligeant les images d’enfants enchaînés, entravés et contraints, comme pour faire naître ce sentiment d’injustice nauséeuse qui s’empare de nous lorsque l’on touche à la figure de l’enfance…

Et c’est finalement sur ce départ atypique que le film marque ses premiers points : si l’on découvre avec plaisir une forme zombiesque consciente et évoluée, le fait de faire naître celle-ci au travers d’esprits juvéniles rend la chose fort paradoxale : attachant, troublant, terrifiant... Rien n’attendrit plus qu’un enfant, et c’est donc tout naturellement qu’un enfant-zombie n’en sera que plus malsain et effrayant. Si beaucoup pourraient trouver leur métamorphose fort factice, il est bon (il me semble) de retrouver enfin des monstres qui ne semblent pas dopés et surhumains. La menace zombie n’en est pas moins terrifiante, et c’est sur le prétexte assez bidon (mais néanmoins efficace) d’une invasion des zombies adultes du dehors, que la base militaire est attaquée, et désertée par notre trio Mélanie/Caldwell/Justineau (sans oublier quelques soldats, tout de même).

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À l’instar de l’excellent roman/film La Route, The Last Girl pose d’entrée de jeu la question des vestiges de l’humanité et de ses valeurs, sans prendre le temps de s’expliquer sur les origines de l’épidémie, dont on ne saura finalement que peu de choses, si ce n’est qu’il s’agit d’un champignon, hautement transmissible par les fluides humains, qui serait à la base de tout cela. Cette ellipse sur le passé et sur le monde d’avant nous plonge donc directement dans le cauchemar survivaliste et sur la fuite de nos héros – à la manière d’un comte initiatique vers l’Humain, ou ce qu’il en reste.

Passé ces éléments narratifs basiques, il deviendrait compromettant de parler davantage du scénario de The Last Girl qui, s’il ne réinvente pas les codes du genre, nous propose une vision plus réfléchie et moins horrifique que ses homologues. D’ailleurs assez loin du fatalisme d’un Les Fils de l’Homme ou La Route, le film de McCarthy nous propose un univers post-apo au travers des yeux particuliers d’une enfant, à la fois audacieuse, lucide et extrêmement touchante. Si le casting tient solidement la route (Gemma Arterton et Glenn Close en ligne de mire), la jeune héroïne Sennia Nenua nous offre une prestation aussi juste que touchante, au travers d’un charisme infantile très troublant. Mention spéciale aussi à l’excellente bande originale de Cristobal Tapia de Veer (entendu dans la série Utopia) qui suggère et distille, à grand renfort d’electro minimaliste, une ambiance remarquable et éthérée. Car The Last Girl oscille entre action, et profondes périodes de réflexion (sans non plus casser la baraque, n’abusons pas… saluons juste l’effort) à la manière de The Walking Dead. L’entreprise n’en que plus louable, car du haut de ses 1h45 de film, La fille qui a tous les dons nous surprend, nous effraie et nous attendrit, entre course violente et viscérale et contemplation du monde laissé au carnage. Mention spéciale d’ailleurs aux merveilleux décors du film, qui nous donneraient presque l’impression de nous retrouver en plein milieu des plus belles cinématiques vidéo-ludiques du genre.

 

 

Pour résumer, et si l’on exclut les sempiternelles incohérences scénaristiques (pourquoi, mais pourquoi donc se sentent-ils tous obligés de se séparer, dans ce genre de films ?), The Last Girl ose et réussit là où certains World War Z et autres s’appuient quasi uniquement sur les effets spéciaux pour convaincre. Bien plus sage et mesuré dans le sanglant, bien plus somptueux visuellement, le film de McCarthy nous invite à une bouffée d’air (frais) vicié dans un univers post-apocalyptique qui en manquait cruellement. Sans demeurer exceptionnel, The Last Girl aura le mérite de surprendre et de vous proposer une autre vision du zombie, et a fortiori, de l’Homme. À dévorer de toute urgence !