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La Boîte à Musique – Light of the Seven – Game of Thrones

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La Boîte à musique – Game of Thrones – Light of the Seven

 

Bonjour à tous et bienvenue dans le quatorzième numéro de votre chronique musicale sur Cleek. Vous l’aurez compris, il sera question ici de musique, et plus particulièrement des musiques qui ont bercé et qui continuent de bercer l’univers geek, qu’il s’agisse de jeux vidéo, de films ou d’animés. Le format de cette chronique pourra varier d’un numéro à l’autre selon les musiques qui vous seront proposées. Présentations, analyses, extraits de partitions seront autant d’éléments que vous pourrez retrouver dans la Boîte à Musique de Cleek.

La saison 6 de Game of Thrones s’est finie avec perte et fracas il y a quelques mois, notamment à cause – ou grâce – à deux épisodes finaux pour le moins spectaculaires et riches en rebondissements. Ce final, intitulé « Les Vents de l’Hiver » nous a donc offert, au début de l’épisode, une scène désormais devenue culte pour tous les fans de la série. Un cliffhanger inattendu, savamment maîtrisé et orchestré par une réalisation aux petits soins. En fond sonore, une musique particulière, Light of the Seven, qui a directement marqué les esprits et illustré avec brio cette scène incroyable. Cleek vous propose donc aujourd’hui de revenir sur ce thème musical particulier et solennel, bien loin des autres standards de musiques épiques offerts précédemment par la série.

Les précédents numéros : Final FantasyGame of ThronesLeague of Legends 1 & 2Les musiques rétrosInceptionWorlds Collide Les musiques horrifiquesHunger Games – League of Legends : Jhin – Les musiques de film – League of Legends : Aurelion Sol – Portal : Still Alive.

 

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[alert type=red ]Attention si vous n’êtes pas à jour de la série, spoilers incoming ![/alert]

 

On redresse rapidement le tableau, pour ceux qui auraient oublié : nous sommes à Port-Réal, le jour du procès de Cersei Lannister et de Loras Tyrell par le Grand Moineau. La scène, qui ouvre ce final, dure en tout et pour tout une vingtaine de minutes et marquera de par ses rebondissements un tournant funeste dans l’intrigue de la série, mettant sur un piédestal le génie machiavélique d’un personnage en particulier, au plus haut de sa forme, Cersei Lannister. Sans revenir sur la scène dont vous vous rappelez sans doute fort bien, il reste à noter que Light of the Seven, la musique qui accompagne cette scène, serait en fait comme la musique d’un clip, illustrant une intrigue qui va crescendo et qui donc, musicalement, fait l’objet d’une grande ascension émotionnelle.

Enfin, pour le côté plus anecdotique, le titre du thème, qui semble faire directement référence à la gloire des Septons, pourrait en fait être lu, après la fameuse scène et avec beaucoup plus d’ironie, signant davantage la revanche de Cersei Lannister sur ses opposants. C’est juste que bon… histoire de ne pas spoiler les foules, il aurait été plus délicat d’intituler le morceau « Le-retour-de-la-reine-ou-un-truc-du-genre ». Voilà donc pour le contexte. Passons désormais à une analyse plus détaillée de ce qui nous intéresse ici, la musique, et son rapport à l’image et à la scène qui se déroule sous nos yeux stupéfaits.

 

[divider]Analyse[/divider]

 

Light of the Seven est un morceau instrumental d’une petite dizaine de minutes, composé dans la tonalité de do mineur, empruntant parfois au système modal qui fait clairement écho aux sonorités moyenâgeuses, tandis que la tonalité évoque quant à elle quelque chose de solennel, d’obscur et de triste, selon d’anciens traités d’écriture musicale. Pour la métrique, il s’agit d’un système binaire à quatre temps, quelque chose de très classique, dans un tempo plutôt lent. Enfin, on constate que ce thème est écrit dans la même tonalité que le générique de la série.

Côté instrumentation, Light of the Seven innove grandement, en faisant intervenir à de nombreuses reprises, et en le plaçant même en rôle central de la pièce, le piano. Une arrivée instrumentale quelque peu remarquée, dans un univers fantasy qui n’utilise d’ordinaire que des instruments à connotation moyenâgeuse. Le thème, qui débute donc avec des arpèges au piano signale d’entrée de jeu que l’on n’assiste pas ici à une scène comme une autre. Plus encore, on se rend vite compte, à l’égard du titre de la pièce, que ce piano est en fait la « voix » ou plutôt l’instrument symbolisant le personnage clé de cette intrigue, Cersei Lannister. Si la suite de la musique nous présente des instruments plus conventionnels pour l’époque (violoncelle, viole de gambe, chants d’enfants), le piano reste quant à lui central et semble en fait s’opposer tout en sublimant le reste de l’orchestration. Un instrument soliste pour les dominer tous, en quelque sorte.

Côté anecdote, nous parlions en introduction de ce titre : Light of the Seven, qui semble tout droit viser les fameux sept dieux. Curieusement, et au fil de l’intrigue et de son issue tragique, on remarque qu’il y a également sept personnages qui seront affectés de plein fouet par l’issue funeste de cette scène : Cersei, Tommen, Margaery, le grand Mestre, le prêtre qui découvre le sous-sol ainsi que le Grand Moineau. Le titre prend alors une toute autre forme lorsque l’on considère le destin de ces sept protagonistes. Light of the Seven, pour ne spoiler personne, pourrait donc faire référence aux sept dieux, mais aussi aux sept destins brisés ce jour-là.

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[divider]Partie A[/divider]

Elle s’étend du début jusqu’à 4’44.

Cette partie est en fait constituée de deux sous-parties quasi identiques, qui se succèdent l’une à la suite de l’autre. La musique commence donc après que des cloches aient retenti dans Port-Réal, à l’approche du procès tant attendu. Le piano fait directement son entrée, en même temps que l’audience dans le temple. Musicalement, cette longue partie solo se fera sur des arpèges de piano accompagnées de cordes solistes, plutôt de violes ou des violoncelles dans un registre grave. En opposition à cela, à 1’15, nous constatons l’arrivée d’une mélodie aigue au piano. Cette mélodie, élégante et simple, pourrait bien être la voix de Cersei, sa volonté, ou en tout cas, la personnification de son rôle à venir dans cette sombre affaire. Le ton oscille entre nostalgie et menace, on ne sait pas encore ce qui nous attend.

Ces deux parties se succèdent donc, entrecoupées dans la série par le début du procès de Loras Tyrell.

 

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arrangement : Simon Ewers

 

[divider]Partie B[/divider]

Elle débute à 4’45 pour s’achever à 6’39.

Les choses sérieuses commencent en fait ici. Après l’interruption de la musique, celle-ci reprend de plus belle, en affichant à l’écran Cersei, comme si c’était elle qui ordonnait et orchestrait les choses (oh wait…). Cela se poursuit ensuite par l’apparition d’un élément nouveau dans la musique : les voix d’enfants. L’usage du chant d’enfant fait donc ici clairement référence à l’univers clérical, et leur apparition correspond dans la série au moment exact où les enfants pointent leurs couteaux sur le grand Mestre pour l’assassiner. Une arrivée à la fois visuelle et sonore, pour une immersion renforcée et un caractère de plus en plus effrayant : la musique parle d’ailleurs d’elle-même en utilisant à la voix l’intervalle de la seconde, un écart dissonant qui à tôt fait de nous mettre mal à l’aise. Sans comprendre encore les tenants et aboutissants de l’intrigue, la menace se concrétise donc par un premier meurtre, puis un second, celui du prêtre fanatique, venu dans un sous-sol en suivant… un enfant, là encore.

Ces chants d’enfants se voient ensuite renforcés par un autre élément typiquement religieux, l’orgue, au moment du second meurtre. L’arrivée de l’instrument coïncide à la seconde près au moment où le fanatique reçoit son coup de couteau. Comme clin d’œil supplémentaire, la ligne mélodique de l’orgue prendra peu à peu les traits d’un des motifs du générique, faisant allusion au fameux jeu des trônes, au moment où l’on aperçoit, encore de loin, le feu grégeois. Cet indice couplé aux plans réguliers de Cersei, plus sereine que jamais dans un moment qui ne devrait pas l’être, nous confirme petit à petit sa suprématie et son plan meurtrier. La musique se fait de plus en plus tendue, rejointe par les cordes graves du début, effectuant des arpèges ternaires, en opposition avec la linéarité binaire que l’on connait depuis le départ : accumulations d’instruments, dissonances, frictions rythmiques, pour toujours plus de tension latente.

 

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[divider]Partie C[/divider]

La frénésie instrumentale cesse soudainement, pour exposer une fois encore le piano soliste et son chant qui résonne et se répète comme une litanie implacable, là-encore, pour renforcer le caractère religieux. À partir de là, il n’y aura plus qu’un immense crescendo, très progressif, à partir de  6’40 jusqu’à la fin. On retrouve tous les éléments exposés précédemment : le piano maître de la musique, les arpèges des violoncelles, la présence omniprésente de l’orgue, et tout cela se combine, s’accumule pour créer une progression certaine, qui suit de près le dénouement tragique de la scène. Côté mélodique, la mélodie se fait de plus en plus insistante, et progresse dans les aigus autant que dans la virtuosité rythmique. Les violoncelles deviennent un orchestre de violons complet qui met en exergue la dissonance de l’intervalle de seconde. Tout cela jusqu’à l’explosion finale du feu grégeois, dénouement terrible de cette longue séquence. Côté images, la cloche que l’on entendait au départ se voit pulvérisée au-dehors par la souffle de l’impact, et puis ensuite, il n’y a plus rien. Plus rien d’autre que le silence, et Cersei, un verre à la main, satisfaite de son œuvre.

 

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Light of the Seven propose donc ici une musique très originale pour la série (la partition de l’arrangement piano est disponible ici), reprenant quelques carcans habituels pour en exposer également d’autres plus originaux. On se prend au jeu, on est happés par le suspense, tant est si bien que les quelques indices laissés subtilement par la musique ou par son titre même ne nous feront réaliser qu’après que la messe était en fait déjà dite. Un coup de maître pour une scène devenue totalement emblématique, avec une Cersei plus puissante que jamais. Et vous, de votre côté, quel effet cette scène et cette musique vous ont-elles fait ?

 

 

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