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Hype Review #5 : Assassin’s Creed, le film

Hype Review #5 : Assassin’s Creed, de Justin Kurzel

 

Bonjour et bienvenue dans Hype Review, la publication irrégulière de Cleek dans laquelle il s’agit de commenter un film… avant sa sortie. Bandes-annonces, casting, filmographie de l’équipe technique, lien avec le matériau-source, tout y passera, afin de juger du degré légitime de hype suscité par le long-métrage en question, en essayant de pré-juger de sa qualité, mais toujours dans l’espoir qu’il finisse malgré tout par nous surprendre et surpasser toutes nos attentes !

De même que la DVDthèque garantit l’absence de tout spoiler, on ne tiendra pas compte dans cette chronique des photos de tournage ou d’éléments de scénario leakés, dont nous estimons qu’ils risquent de détruire notre étonnement et donc notre plaisir face au film. Nous considérons au contraire que les données analysées étant officialisées par l’équipe du film et les studios eux-mêmes, elles appartiennent à une politique de marketing qui les diffuse pour créer un plaisir d’attente et accroître le plaisir de visionnage (et l’argent récolté). Et s’ils sont assez bêtes pour dévoiler un twist final dans des images promotionnelles, c’est leur problème, pas vrai ?

Après avoir traité Batman v Superman : Dawn of Justice (la critique de Roxane « Lenvy » Saint-Anne ici et l’article sur les influences là), High-Rise, Captain America : Civil War (la critique ici) et le prochain Burton, Miss Peregrine et les enfants particuliers, nous nous intéresserons cette fois à l’un de ces projets que l’on attend avec une incroyable impatience sans exactement savoir ce qu’on est en droit d’en espérer, Assassin’s Creed de Justin Kurzel, dont la sortie est prévue le 21 décembre 2016.

Et une fois n’est pas coutume, nous laissons à Séranne « LaSkreeb » Piazzi, qui avait déjà rédigé un compte-rendu des cinq premiers opus de la saga vidéoludique, le soin de nous livrer d’abord son analyse.

 

https://youtu.be/-vwPYPNypyU

 

Séranne « LaSkreeb » Piazzi : Une adaptation pour fans et profanes

 

Porter Assassin’s Creed sur grand écran, comme pour l’adaptation de tout jeu vidéo au cinéma,  c’est se donner des contraintes supplémentaires : faire un film qui relève du 7e art mais aussi du monde vidéoludique. Ce qui n’est pas le cas lorsque, par exemple, l’œuvre est tirée d’un livre. On ne recherche pas à rendre l’écriture ou le style, à révéler l’origine : on met une histoire écrite en images.

Or, un jeu vidéo est déjà visuel. Et le genre tente lui-même de se rapprocher du cinéma. Quels sont donc les choix opérés par les producteurs ? Sur quoi mettent-ils l’accent ? Et qu’en révèle le trailer ?

 

[divider]Chercher le plus large public possible[/divider]

 

La première question qui se pose est celle du public. À qui s’adresse ce film ? Il est clair que la motivation première est de faire un film qui plaise aux fans, qui sont déjà bien nombreux et ne résisteront sûrement pas au moins à la curiosité. Et puis, ce sont eux qui emmèneront copains et copines au cinéma pour les accompagner.

Car naturellement, malgré les 77 millions de jeux vendus sur l’ensemble de la saga en 2014, les fans représentent un public de niche, mais une telle superproduction vise bien plus large. Ainsi, de nombreux aspects du film ont été pensés de façon à satisfaire également le spectateur qui connaît tout juste Assassin’s Creed de nom, voire pas du tout.

En effet, il s’agit d’un film autonome, dans le sens où il n’est nullement nécessaire d’avoir joué à la série de jeux, ni même d’en connaître préalablement l’histoire, pour comprendre le film. Toutes les bases sont expliquées dès le trailer. Le héros découvre les machinations des Templiers, l’Animus et son héritage des Assassins en même temps que le spectateur. Ce qui n’est bien sûr plus le cas après le premier jeu vidéo. Le personnage principal n’est pas lui-même pas identique à ceux des jeux, histoire d’éviter tout malentendu.

Douce attention envers les spectateurs non initiés à l’univers d’Assassin’s Creed, le film se déroulera à 35% dans l’Espagne du XVe siècle, et à 65% au XXIe siècle. Pourquoi pas, si la raison clairement évoquée n’était pas la crainte de faire peur au public, évidemment (?) apeuré par les films trop historiques.

Deux objections à ce choix : d’une part, dans le jeu vidéo, les séquences historiques sont de loin les meilleures, les plus belles, les plus plaisantes, les plus libres. Desmond Miles fait toujours pâle figure en regard de ses ancêtres, et il a toujours été bien plus jouissif d’évoluer dans les villes anciennes et les paysages de bout du monde que dans les froids, laids et restreints laboratoires d’Abstergo.

D’autre part, même le trailer le prouve : le XVe siècle espagnol version Assassin’s Creed peut se révéler bien assez intense et riche pour captiver les spectateurs !

 

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[divider]Faire honneur à la saga[/divider]

 

Bien que Fassbender n’ait jamais joué aux jeux de la saga, les producteurs ont attaché une grande importance à la recréation de l’univers du jeu vidéo. S’informant des plus petits détails grâce à l’encyclopédie qu’Ubisoft tient sur le jeu, ils se sont efforcés de rester cohérents, et surtout, d’en mettre plein la vue.

Une intention que traduit bien le trailer, qui fait la part belle aux scènes d’action. On y retrouve bien sûr de belles séquences de parkour, que certains fans dénigrent en arguant que ce n’est pas très naturel et qu’en tant qu’Assassin, on ne recherche pas tant le spectacle. Pourtant, c’est bien ça que l’on aime quand on joue à Assassin’s Creed : le panache que procure la fluidité et la maîtrise des mouvements, que ce soit dans le déplacement ou au combat.

De ce côté-là, le spectateur – fan ou lambda – devrait être bien servi : courses-poursuites sur les toits, utilisation de la lame secrète, assassinats discrets, combats chorégraphiés… Et le saut de la foi, qui donne autant de frissons dans le trailer qu’aux commandes de sa console. On devrait donc s’y croire aussi bien que dans le jeu.

Alors que la saga mettait peu l’accent sur les relations amoureuses des différents ancêtres de Desmond, le trailer présente déjà le personnage féminin qui accompagnera Fassbender durant tout le film. Espérons qu’il saura conserver la retenue des opus vidéoludiques et ne pas céder à une histoire en guimauve…

Un détail qui fait plaisir, en revanche : la représentation de l’Animus. Dans la saga, cet appareil absolument fantastique se résume bien vite à un fauteuil design et très facile à manipuler. Le trailer met en avant son caractère sophistiqué et dangereux, dont l’utilisation nécessite une véritable surveillance et qui inquiète Fassbender à juste raison, même si on ne comprend guère d’où sort l’énorme bras articulé.

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Il y en aura donc pour tout le monde dans cette première adaptation d’Assassin’s Creed au cinéma. Le trailer donne assez bien le ton : pas de doute, nous sommes dans le bon univers. Deux écueils semblent menacer le film : la relation avec l’Assassin féminin (l’histoire d’amour inévitable d’un blockbuster ?) et la construction du scénario : sera-t-il possible de parler des Précurseurs dans un seul film ? Mais les producteurs ont misé sur le succès et de nouveaux épisodes sont déjà prévus…

 

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Siegfried « Moyocoyani » Würtz : Ubisoft veut en découdre

 

https://youtu.be/65uLy2lqyGI

 

L’aventure Assassin’s Creed commence par un paradoxe : son producteur, interprète principal et apparemment superviseur scénaristique Michael Fassbender ne connaissait pas le jeu avant d’être approché par Ubisoft, et il a lui-même insisté pour que le film soit réalisé par Justin Kurzel, qui n’en était pas davantage familier (et cela se sent dans les interviews)…

Et rien dans le parcours de l’un comme de l’autre ne laissait présager leur implication dans un tel projet. Au contraire, Michael Fassbender (à la carrière duquel nous consacrerons bientôt un article) apparaît par excellence comme l’acteur refusant les compromis avec le système hollywoodien pour rechercher des rôles toujours plus exigeants et inattendus. On peut certes comprendre des premiers rôles moins bien choisis parce qu’il faut bien commencer par se faire connaître quelque part, et même son implication dans la jeune équipe X-Men (notre critique d’Apocalypse ici), non seulement parce que plusieurs grands acteurs ont pu se permettre une carrière indépendante en gagnant par ailleurs leur vie par le blockbuster, mais aussi parce que le casting (James McAvoy, Jennifer Lawrence…) était déjà composé d’acteurs connus et talentueux et qu’il en était clairement l’une des forces. Après une nomination aux Oscars pour son interprétation de Steve Jobs et le rôle-titre dans Macbeth, il est plus surprenant de le voir assumer de jouer dans un blockbuster (presque 200 millions de dollars dit-on) adapté d’un jeu vidéo, qu’il n’a pas même pratiqué.

Bien sûr, c’est un élément qui inspire la confiance et qui distingue d’emblée Assassin’s Creed des autres adaptations vidéoludiques récentes, lesquelles préféraient économiser sur les grands acteurs (Warcraft : Le  Commencement) ou s’en servir uniquement comme caméos commerciaux (Angry BirdsRatchet et Clank en vo) : ici, les trois premiers noms du casting sont Fassbender, Marion Cotillard et Jeremy Irons, suivis par Brendan Gleeson, du jamais-vu dans ce genre de production et la preuve qu’Ubisoft, en contrôlant le développement du film, veut bien faire les choses.

 

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Au point d’engager un réalisateur peu commode, l’Australien Justin Kurzel, justement choisi par Fassbender parce qu’ils venaient de tourner Macbeth ensemble. Or le film, magnifique par moments, en particulier une fin d’un esthétisme presque rebutant quand on n’adhère pas à ce genre de parti-pris, adaptait fidèlement une pièce de Shakespeare, en gommant tout ce qu’il pouvait y avoir d’un tant soit peu humoristique dans le texte, et souffrant en raison de ses artifices de naturel et de dynamisme. Pas réellement les qualités attendues pour l’adaptation d’Assassin’s Creed, et pour dire que son seul film précédent ne le prédestinait pas davantage à filmer les aventures d’un condamné à mort qui va faire du parkour et assassiner des Templiers en mal de domination mondiale dans l’Espagne de l’inquisition en revivant la vie de son ancêtre, Les Crimes de Snowtown racontait la sordide histoire vraie d’un tueur en série de l’Australie contemporaine, avec autant de froideur et de distance qu’on peut l’imaginer. Du moins les bandes-annonces promettent-elles une fidélité à ses exigences de beauté de l’image, en terme de cadrage comme de colorimétrie, Kurzel ayant repris son fidèle Adam Arkapaw (Animal KingdomLes Crimes de Snowtown, MacbethTrue detective) à la direction de la photographie…

 

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Si on tente de mettre ces détails de côté, comme le fait que l’un des scénaristes avait auparavant écrit The Wolverine, deux autres Divergente 3 : Au-delà du mur (on vous disait ici à quel point il était mauvais), Le Transporteur : Héritage et Exodus : Gods and Kings, et le dernier rien d’autre que Macbeth, ou que le compositeur de tous les thèmes mythiques des jeux, Jesper Kyd, ait été remplacé par le frère du réalisateur à la bande-son (hum…), la question qui demeure est celle de la fidélité à l’univers. Que Michael Fassbender clame son intérêt pour la philosophie des Assassins et Kurzel sa volonté de respecter les fans du jeu ne dit rien de la place du film dans la continuité dessinée par neuf jeux, sans compter la dizaine de jeux annexes, les neuf romans, quatre bande dessinées, les court-métrages…

 

https://youtu.be/eZvhREeVTYo

 

Ajouter des artefacts de précurseurs ou des assassins essentiels dans le passé ne pourra que nous interroger sur leur absence complète dans les jeux se référant à des événements postérieurs, et même si, dans les jeux, les Assassins n’ont pas encore fait grand chose contre les Templiers à l’époque contemporaine, il va bien falloir qu’il se passe quelque chose qui impactera l’univers étendu, donc aussi bien celui des jeux que celui des films. Et si dans le premier domaine l’immobilisme de l’intrigue contemporaine devenait pénible (c’est bien simple, moins on y faisait référence, mieux on se portait), il serait simplement intolérable au cinéma, où il faut bien que les intrigues soient bouclées. Espérons qu’Assassin’s Creed sera bien pensé comme un stand-alone, au moins autant que les jeux (en bouclant de manière à peu près satisfaisante l’intrigue passée), et que les suites prévues constitueront à leur tour des aventures distinctes, avec une nouvelle distribution et une intrigue à peu près originale, plutôt que de simples suites.

Assassin’s Creed est naturellement un vivier incomparable : toute époque, tout pays, toute situation peuvent être traitées, l’Espagne inquisitoriale apparaissant presque comme la preuve d’un manque d’imagination (le design reprend largement celui des trois jeux renaissants) quand on pouvait imaginer le XIXème siècle japonais, l’Égypte antique, l’Afrique des colonisations… Il faut attendre des jeux comme des films qu’ils en profitent pleinement, en tâchant de comprendre ce que les fans et le reste du public veulent et ne veulent pas, en terme de violence, de choix narratifs, d’ambiance et d’univers.

Notre verdict : dubitatifs, mais avec WarcraftAssassin’s Creed doit ouvrir la voie à l’adaptation enfin prise au sérieux des licences vidéoludiques, et on ira évidemment voir le film pour soutenir cette volonté, en approuvant au moins dans l’idée le choix d’un véritable réalisateur et la sincérité que cela prouve de la part d’Ubisoft.

 

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3 Commentaires

  1. Un vrai plaisir de voir une expression si aisée sur cleek.fr

    Mais, je me demande bien comment on fait pour savoir ce que les auteurs/producteurs/réalisateurs ont comme intention et leur niveau de soucis du détail… un truc ou une astuce à donner.

    • Bonjour Bob, et merci pour ton commentaire !

      La base, pour connaître les intentions des auteurs, est à mon avis de se renseigner sur leur filmographie, et c’est pour cela que j’adopte cette démarche dans mes hype review : en l’occurrence, Kurzel a une notoriété auteurisante qui devrait le pousser à éviter les compromis avec le blockbuster, et son accord pour réaliser Assassin’s Creed montre qu’il veut dépasser cette contrainte pour affirmer sa patte sur une production sur laquelle on attend pas réellement de vision d’auteur. Bref, ses films précédents prouvent qu’il n’est pas un faiseur à la botte des studios, et qu’il veut donc faire quelque chose d’aussi personnel que possible sur ce projet (ce qui n’exclut pas qu’il en profite aussi comme d’un tremplin vers plus de renommée et d’argent d’ailleurs). D’un acteur ou d’un réalisateur qui n’auraient fait que des films à petit budget et d’une qualité assez faible, et auxquels on confierait un film à 250 millions de dollars, on pourrait déduire assez certainement qu’ils n’ont pas été choisis pour leur potentiel créatif (ce qui, de même, n’exclut pas qu’ils accouchent de très bons résultats).

      La filmographie est la base essentielle, mais pas exclusive, à partir de laquelle on peut ensuite seulement aller voir quelques interviews : acteurs, réalisateurs, producteurs ne sont presque jamais sincères (après tout, l’interview a pour seul but d’être promotionnel), mais ils peuvent donner des éléments objectifs (Kurzel et Fassbender ne connaissaient pas l’univers Asassin’s Creed et n’ont donc pas participé par amour du jeu) et donner une impression d’investissement qui peut leur valoir notre sympathie. Au final, on en revient à ce que je disais dans mon article sur le critique, on aboutit toujours à un ressenti, donc à une expression subjective, qu’il faut canaliser sans la récuser, en s’appuyant autant que possible sur des éléments objectifs.

      J’espère avoir globalement répondu à ta question, n’hésite pas si tu désires des précisions ! Dans tous les cas, le résultat final sera toujours la meilleure preuve des intentions des participants au film, et on n’aura que le 21 décembre les éléments pour comprendre avec un peu plus de certitude ce qu’ils ont bien voulu faire en nous embarquant dans ce projet.

      • C’était la source de mon étonnement. Par quel prodige peut on en dire autant sur une base aussi faible (2 films en amont), et ce même si le Macbeth peut laisser entrevoir la position du producteur sur la question de l’adaptation (et Ubi n’a encore rien produit sauf erreur).

        Mais si j’ai un peu tiqué sur cette phrase c’est surtout à cause du caractère catégorique, et reliquat de com’ de prod d’adaptation. On est étonné d’ailleurs de ne pas lire partout que M. Fassbender est un fan absolu de la franchise et que le réalisation y jouait quand il était petit. Et sur ce point tu as tout à fait juste, les itw donnent au moins cet élément, même si on peut en tirer des conclusions tout à fait contraires et peut être même contradictoires.
        J’avais lu l’exercice sur la critique, et j’y trouve le même axe. J’avoue ne pas trop savoir dans cette matière – la critique – quand s’arrête la nuance et quand commence le véritable n’importe quoi. A moins d’avoir auparavant construit un réseau de renvois et références qui justifie à peu près le propos. De ce point de vue ce qui est dit sur le ciné ou les séries sur cleek – mais ailleurs aussi bien sûr – est ou trop long, ou trop court (les articles sur le Batmans vs Superman en particulier).

        Ceci dit j’espère que tu continueras la discussion que tu entames sur l’adaption vidéoludique. Il me semble aussi qu’elle a quelque chose de spécifique avec les nouvelles logiques de production (cross média, etc) et qu’on ne peut pas réduire cela à une répétition de celle sur l’adaption de la littérature au cinéma. Et je me demande si tu regarderas cela d’un point de vue plus économique à l’avenir.

        bref, merci pour la réponse qui a le mérite d’éclaircir ce point, même si blablabla (bis).

        (disqus c’est bien aussi pour les commentaires 😉 )