Faut-il regarder Preacher ? Review des trois premiers épisodes d’une série pas très catholique

 

Si, au lieu des films et des jeux vidéo, nous vous avions proposé un DCEDC (les articles collaboratifs de cleek.fr) sur les séries les plus attendues de 2016, il ne fait aucun doute que j’aurais nommé Preacher. Adaptée d’un comics si décomplexé, déjanté et malgré tout puissant, elle m’apparaissait comme tout à fait irréalisable, et qu’elle soit confiée au duo Seth Roger – Evan Goldberg ne pouvait qu’inspirer confiance pour retrouver la tonalité sans compromis de l’œuvre originale.

Nous avons ainsi décidé de vous proposer une review des trois premiers épisodes de la série, qui vous aidera à déterminer si Preacher est fait pour vous. Dans la mesure où les autres ne sont pas sortis, nous ne risquons pas le spoil, pas d’inquiétude à avoir donc. Et puisque chez cleek.fr, on aime bien travailler à quatre mains ou plus, Lucile « Macky » Herman vous donnera également son avis en fin d’article !

 

 

[divider]Une histoire bien barrée[/divider]

 

Preacher est à l’origine un comics publié entre 1995 et 2000 par le label Vertigo de DC Comics (le même qui publia Watchmen, Transmetropolitan, The Sandman et publie Fables, Y, le dernier homme, DMZ, 100 Bullets, American Vampire…), scénarisé par Garth Ennis, auquel on doit aussi la remarquable série de comics The Boys, et dessiné par Steve Dillon.

Il y était question d’un pasteur malgré lui dans un village texan, investi par une puissance extra-terrestre (on n’en dira pas plus), et décidant d’aller demander des comptes à Dieu, en compagnie d’un vampire irlandais et de son ex tueuse à gages, tout en étant poursuivi par le Saint des Tueurs, un cow-boy réveillé par les Anges pour le tuer. En gros.

Parce que le comics Preacher s’étend tout de même sur 75 numéros, et que les auteurs ne sont pas des adeptes de la pause contemplative pour poser tranquillement les choses, vous comprendrez pourquoi ils ont apprécié l’idée d’en faire une série plutôt qu’un film. Mais vous comprendrez aussi pourquoi cette adaptation est passée entre toutes les mains pendant dix ans, y compris celles de HBO, avant Game of Thrones, pour finir par prendre le créneau de Fear the Walking Dead sur AMC, la chaîne à laquelle on doit tout de même Walking Dead, forcément, Mad Men, Breaking Bad et Better call Saul, The Night Manager, bref pas la première venue ni la moins fiable pour un contenu adulte et de qualité.

Pour le casting, le choix se porta sur des acteurs peu connus du grand public, malgré des filmographies existantes voire consistantes, avec une amusante coïncidence : on retrouve les deux acteurs principaux, Dominic Cooper (le Preacher) et Ruth Negga (Tulip) dans le Breakfast on Pluto de Neil Jordan et Warcraft : le commencement (que nous critiquions ici). Bref, des acteurs capables mais pas forcément chers, un peu à l’image de la série.

 

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[divider]Une série sage…en comparaison du comics ![/divider]

 

Car ce n’est pas tout que d’avoir un matériau exceptionnel, encore faut-il parvenir à en faire quelque chose, et première surprise, l’adaptation s’autorise beaucoup de libertés. Elle fait le choix de se focaliser sur la période de la vie du Preacher où, investi par l’entité, celui-ci cherche à en faire profiter ses ouailles, tout en restant dans sa petite ville texane, Annville. Or, et cela paraît assez fou à dire, on vous spoilerait les trois épisodes, et peut-être toute la première saison, en évoquant les événements de la vingt-quatrième planche (sur quarante) du premier des 75 numéros du comics. On se contentera donc de vous dire que dans le comics, le Preacher quitte ses fonctions aussitôt qu’il reçoit ses pouvoirs, de sorte que l’intégralité de ce que la série nous propose est une réinvention du comics.

Qu’Odin Quincannon, adversaire assez tardif du Preacher, fasse son apparition dès les premiers épisodes, n’est certainement pas gênant, de même que les circonstances de la rencontre avec le vampire Cassidy et des retrouvailles avec Tulip, la couleur de peau de cette dernière, ou le fait que le Preacher connaisse d’emblée Tête-de-fion (oui oui), sont le lot parfaitement acceptable des libertés que peut prendre un adaptateur, qui doit évidemment se contraindre à plus de linéarité qu’un comics tout en flash-backs. Mais préférer lier le Preacher à sa paroisse et à sa petite ville que de le faire voyager de péripétie en péripétie ressemble trop à une économie de production pour être placé sur le même plan que les « nécessités » dramatiques.

D’autant que la série s’autorise un emploi très modéré des effets spéciaux – pour dire, les planches 9 et 10 du premier numéro montrait le ciel, les anges gardiens et les séraphins – ce qui gêne à chaque épisode davantage le respect de la tonalité originale. Le budget est en effet plutôt accordé à une raisonnable surabondance de gore, comme dans cette scène excellente où Cassidy combat des chasseurs de vampires dans un avion, ou le pendant de cette scène, un épisode plus loin, lors d’une bagarre dans une église. Le problème, c’est que l’on a très vite l’impression de se retrouver devant Ash vs Evil Dead plutôt que Preacher, avec ce délire autour de la violence gratuite, excessivement sanguinolente et fun. Or ce qui fonctionnait dans une parodie de série B ne peut pas fonctionner aussi bien dans une série qui, aussi portée soit-elle sur l’humour, ne s’y résume pas.

 

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On remarque à ce titre une réelle différence entre le premier épisode et les deux suivants, ou plus précisément le début du premier épisode et la suite. Preacher commence en effet avec la représentation d’une comète (l’entité) dans un espace interplanétaire rappelant les films des années cinquante, donc très mal fait, laquelle comète s’abat sur un prédicateur africain qui croit être « le Prophète » avant d’imploser. Et cela se poursuit quand on apprend plus tard que l’entité a visité d’autres corps de personnes supposées portées sur la spiritualité, y compris Tom Cruise, avec le même résultat (oui, Tom Cruise est mort dans le monde de Preacher). Tout y est : irréalisme revendiqué, irrévérence quasi-blasphématoire, humour absurde, références pop…

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https://youtu.be/rXYqreS_t8k

 

Les scénaristes avaient tout compris, avant de tout désapprendre. Bon, déjà l’image n’est pas belle, ni en terme de cadrage (la photographie en couleurs chaudes tirant sur le sépia peut seule être appréciée, encore que…) ni en terme de montage : la série se prend pour Game of Thrones en sautant sans prévenir d’une sous-intrigue à l’autre, précisant parfois le lieu de l’action et parfois pas, alors que la plupart de ces sous-intrigues n’ont strictement aucun intérêt encore, et que les scènes qui y sont consacrées ne suscitent que le scepticisme : quand a-t-on été invités à nous intéresser à « l’homme d’affaires » ? à la relation entre Tulip et Donny ? à celle existant entre Donny et son mystérieux contracteur ? au Saint des Tueurs, qui a droit à ses trois minutes d’antenne dans un retour aux temps des cow-boys en plein milieu de l’épisode 2, puis plus rien ? On se doute que tous ces personnages seront mieux développés par la suite, mais on ne peut que déplorer pour l’heure cette manière peu naturelle d’amener des rebondissements futurs…

Evidemment, il s’agit encore d’une question de budget : AMC attend de voir si les premiers épisodes fonctionneront bien pour voir combien d’argent peut être injecté dans un développement intéressant des sous-intrigues, et ce teasing pénible a valeur de sondage mercantile… On comprend le procédé, parce qu’il est évident que toutes les chaînes ne peuvent pas imiter HBO, toujours eux, et leur confiance aveugle en Game of Thrones, surtout quand d’autres séries lucratives sont encore à l’antenne et méritent aussi des efforts, mais Preacher ne pourra retrouver de l’intérêt qu’avec une volonté d’aller plus loin. Alors que l’épisode 3 se rapproche du catastrophique : la série trouve enfin un générique (les génériques préférés de cleek ici !), sans personnalité (sérieusement, sur la chaîne de Walking Dead et Breaking Bad ?), le jeu peu subtil de Dominic Cooper pour montrer ses hésitations entre Bien et Mal n’est pas aidé par les grossiers close-ups, Tulip et le Preacher ont la même conversation pour la troisième fois au moins, la série invente encore des sous-intrigues, comme si le comics en manquait, les scènes d’action perdent toute inventivité… Dire qu’on attendait le troisième épisode pour faire la review pour donner à la série le temps de trouver son équilibre, alors que le pilote nous avait suffi quand nous nous étions demandé s’il fallait voir DC’s Legends of tomorrow

 

https://youtu.be/kkEGKYJUdKc

 

Pourtant, les interprétations ont du potentiel, et celle de Cassidy a même un charme indéniable, le personnage rendant tous les dialogues et situations auxquels il participe plaisants, contrairement à l’absence totale pour l’heure d’alchimie entre Tulip et le Preacher. On aurait préféré Cooper glabre, comme dans le comics, mais c’est un point de détail : il pourrait être la parfaite incarnation du Preacher s’il était mieux mis en valeur, tant en terme d’écriture que de mise en scène… La recherche d’une vraisemblance psychologique des personnages et d’un attachement du spectateur est pour l’instant un fardeau pour la série bien davantage qu’une qualité louable, parce qu’elle est va à contre-courant de la décomplexion affirmée par la série, ce qui est assez manifeste dans l’alternance de scènes délirantes et de scènes « profondes ». Que Rogen et Goldberg ne soient pas aidés par l’obligation d’accessibilité liée au médium télévisuel est un fait : ils ne peuvent avoir recours au même humour que dans leurs films, doivent attirer un public dépassant les amateurs de comics pour rentabiliser, pour une chaîne américaine, c’est-à-dire sensible aux préoccupations religieuses d’un public qui supporterait mal les blasphèmes constants de la série. Mais ils ont accepté ce projet, malgré la demande qu’AMC leur aurait faite de ne pas montrer « le Messie » dans Preacher, et malgré ces exigences. Il leur faut donc concilier au mieux le comics, leurs propres désirs et les contraintes d’antenne pour parvenir à une pureté de ton dont ils sont encore loin, mais qui leur est parfaitement accessible, tant grâce au comics d’Ennis que par leurs inclinations personnelles.

Du coup, quand Rogen et Goldberg annoncent l’adaptation du comics super-héroïque d’Ennis, The Boys, qui à tous égards décuple la provocation de Preacher, on n’est plus aussi transportés… Vivement que la suite vienne corriger les dernières dérives !

VERDICT : scepticisme curieux – la déception légitime, et sans doute inévitable de tout lecteur du comics, n’empêche pas la série Preacher de faire figure d’O.V.N.I. (Objet Visuel Non Identifié) pour le public non averti. Une telle liberté de ton est assez rare sur le petit écran pour que l’expérience en vaille certainement la peine, mais on recommande prioritairement à tous la lecture autrement plus remarquable de la bande dessinée de Garth Ennis et Steve Dillon, disponible dans toutes les bonnes librairies et bibliothèques !

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[divider]L’avis de Lucile « Macky » Herman[/divider]

 

Après une discussion dans un bar parisien entourée de mes amis les plus nerds qui soient, on m’a vivement conseillé de regarder la nouvelle série Preacher. En effet, c’est Seth Rogen qui est derrière le projet, et si vous connaissez un peu le personnage, vous savez qu’il est quelque peu barré sur les bords. Friande de découvrir ce qu’il pouvait nous proposer cette fois, j’ai donc regardé les deux premiers épisodes, sur les trois sortis à ce jour. Novice que je suis, je ne savais même pas qu’il s’agissait de l’adaptation d’une BD (merci Moyocoyani de parfaire ma culture). Je ne m’attendais absolument pas à ce type de série. Histoire de ne rien gâcher et de garder l’intrigue et les surprises intactes, je ne cherche pas à me documenter outre mesure et j’évite les spoils. Cette série totalement WTF m’intrigue fortement tant elle me surprend. Grande militante de la VO, je vous préviens que notre cher ami Cassidy, avec son bon accent irlandais, vous donnera du fil à retordre pour comprendre ses paroles. Même si les sous-titres commencent à me faire de l’œil, je m’accroche pour l’instant !