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Peut-on vivre du jeu de rôle ?

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Peut-on vivre du jeu de rôle (papier) aujourd’hui ?

 

La réponse est non, hormis quelques rares exceptions qu’on peut compter sur les doigts de la main, personne ne vit uniquement du jeu de rôle en France. Laissez-moi orienter maintenant votre curiosité vers une question beaucoup plus intéressante.

 

[divider]Pourquoi on ne peut pas vivre uniquement du jeu de rôle ?[/divider]

 

Avant tout, je tiens à préciser que j’ai cherché des chiffres sur le net révélant l’état du marché pour étayer mes propos, mais force est de constater qu’il n’y a pas grand chose. Le peu que j’ai trouvé était le fruit de sondages sur des communautés isolées, loin des chiffres détaillés et vérifiables qui concerneraient l’ensemble du territoire. Je vais donc avancer avec mes bons amis « observation » et « raisonnement ».

 

 Jeu de rôle : Donjons & Dragons
uncannyknack / DeviantArt / Jeu de rôle : Donjons & Dragons

 

[divider]1/ Le marché est en contradiction avec notre société[/divider]

 

Le marché du JDR vise une clientèle très réduite puisque c’est un marché de niche. De plus, les ventes de ce marché ne se font que sur une partie de ses consommateurs, à savoir les MJ (Maîtres du Jeu), car eux seuls achètent les livres nécessaires pour jouer. Cela réduit considérablement le nombre d’acheteurs, ce qui nous amène à ce schéma.

Moins d’acheteurs = moins de ventes = moins d’argent = pas de quoi manger à la fin du mois. 

Mais à la limite, de nombreux marchés ne s’adressent qu’à un public de niche et fonctionnent très bien. Là où ça devient vraiment chaud, si on considère le JDR comme un produit, c’est lorsqu’on aborde sa rejouabilité.

La seule limite d’un univers c’est l’imagination : un MJ pourra créer autant de scénarios qu’il le veut pour ses joueurs tant qu’il en aura et c’est ce qui constitue ses « limites ». La plus grande force du JDR devient ironiquement sa plus grande faiblesse lorsqu’on veut en vivre. puisqu’un MJ n’a pas besoin d’acheter régulièrement de nouveaux livres, ce qui limite très vite le marché. On a beau consacrer du temps et s’investir à fond dans une partie, ni le MJ, ni les joueurs, ni les éditeurs ne sont rémunérés.

 

[divider]2/ Un rythme de productivité lent [/divider]

 

Sachez qu’il faut compter plusieurs années avant q’un JDR passe du stade de sa conception à celui de sa distribution en boutique. Le travail est titanesque pour des ventes modestes, puisqu’un livre qui se vend bien est estimé à 300 – 500 ventes. Alors certes, les livres de JDR valent en général leur pesant d’or (40 euros en moyenne), mais on est bien loin du marché des livres classiques qui touchent une cible beaucoup plus large et dont un « best-seller » peut atteindre les millions de ventes.

Conception, rédaction, tests (phase la plus longue), équilibrage, relecture, traduction, illustration, mise en page, édition, impression, distribution. Autant de métiers différents qui forcent les personnes ne voulant vivre que du JDR à porter plusieurs casquettes en même temps. Le rythme de production lent des livres ne permet pas de vivre si on ne pratique qu’un seul de ces métiers.

 

Mario Wibisono / DeviantArt / Jeu de rôle : L5R

 

[divider]3/ La contradiction a du bon[/divider]

 

Contrairement au jeu vidéo, qui a vu fleurir de nombreuses pratiques marketing douteuses ces dernières années, le JDR est resté proche de ses valeurs d’origines. C’est un marché où il est compliqué de pérenniser mais il est presque libre des contraintes imposées par la recherche aveugle de rentabilité. Des passionnés travaillent pour des passionnés et ça, ça n’a pas de prix. 

[divider]4/ Et si on voulait développer le marché du jeu de rôle ?[/divider]

Après avoir constaté les limites auxquelles est confronté le marché du JDR en tant que produit (ici je fais référence à la production de nouveaux livres) je me suis demandé s’il était possible d’y trouver une solution en considérant le JDR en tant que service. Les clubs pourraient-ils vivre en faisant jouer leur membre contre une rémunération ? Peut-on finalement retourner la rejouabilité infinie d’un JDR à notre avantage pour en dégager des bénéfices ?

Malheureusement, cette solution n’est pas évidente, car il faudrait réunir des membres/clients actifs et réguliers. En prenant en compte le temps de création d’un scénario, le temps de jeu d’une partie et le nombre de joueurs autour de la table qui doit être raisonnable pour que tout le monde s’amuse, les tarifs seraient trop hauts pour une seule séance. Mettons qu’on rémunère un maître de jeu 10 euros de l’heure. S’il passe 6h à créer un scénario et 3h à faire jouer les joueurs, cela reviendrait à 90 euros de salaire. Disons qu’il fasse jouer 5 personnes, cela nous donne 18€ par joueur et par partie. Je ne crains que ce tarif (qui fait abstraction de nombreux autres coûts qui s’ajouteraient à la facture) ne soit trop haut. De mon point de vue, le plaisir du JDR vient avant tout des bons moments qu’on passe entre amis autour de la table, qu’on soit joueur ou MJ, et introduire de l’argent dans la création d’une partie pourrait faire surgir de nombreux problèmes au sein des groupes de jeu.  Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que les clubs de JDR aujourd’hui sont des associations, subventionnées (ou pas) et qui y voient une activité ludique avant la recherche de bénéfices.

 

Ironshod / DeviantArt / Jeu de rôle : Donjons & Dragons

 

 

De nombreux modèles économiques existent déjà et ils ont tous leur limite. Le moyen le plus efficace serait surement de populariser le JDR pour augmenter le nombre de consommateurs et d’acheteurs. Avec des joueurs célèbres comme Steven Spielberg ou l’écrivain Maxime Chattam, on pourrait sans doute sensibiliser les gens avec des campagnes de communication, mais le veut-on vraiment ? Si le JDR devient populaire, il faudra malheureusement s’attendre à ce que de nouveaux acteurs interviennent, avec le risque qu’ils fassent fuir les premiers fans qui ne supporteraient pas les changements qui en découleraient.

Peut être que la meilleure solution est au final de patienter, le temps que la société évolue économiquement, socialement, mentalement. En attendant, continuez de jouer, de faire découvrir le JDR à de nouveaux joueurs, à transmettre la magie ! Avec un peu de chance et beaucoup de bonne volonté, l’image des rôlistes s’améliorera et la communauté grandira.

Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à faire un tour sur mon sujet précédent : 7 conseils pour MJ débutant

[divider]Références :[/divider]

 

Les modèles économiques du JDR de Imaginez.net

Écrire un jeu de rôle par Guillaume Besançon

Devenir un pro du jeu de rôle par GEAR (le Groupe d’Entraide des Auteurs Rôlistes)

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