The Revenant – La critique

 

Le début de cette année 2016 répond favorablement aux échos laissés au cours des derniers mois de 2015. Les grandes têtes d’affiches se suivent et ne se ressemblent pas toujours, nous laissant nous, spectateurs, perdus au gré des longs-métrages entre hâte, déception, surprise et émerveillement. Après les blockbusters Spectre et Hunger Games, sans oublier la sortie culte du dernier Star Wars, Cleek est allé dernièrement voir pour vous Les Huit Salopards dont vous pouvez retrouver la critique ici-même. Si ce dernier film constituait l’une des plus belles promesses cinématographiques de l’année (avec Deadpool, Suicide Squad et tant d’autres), nous nous pencherons aujourd’hui sur le cas de The Revenant, un film ô combien attendu pour sa réputation d’œuvre magistrale mais singulière. À quelques jours de la cérémonie des Oscars, et dans l’impatience de voir peut-être enfin Leonardo DiCaprio récompensé, Cleek vous livre sa critique du film The Revenant.

 

[divider]The Revenant – La Genèse[/divider]

 

Si c’est avec bonheur que nous nous apprêtons à accueillir The Revenant dans nos salles obscures dès la semaine prochaine, le 24 février, rappelons-nous avant tout que ce long-métrage ne se sera pas fait sans peine, et que son casting a maintes fois été vu et revu avant de se fixer sur les personnalités que l’on connaît désormais. Initialement tiré d’un roman de Michael Punke, The Revenant relate l’histoire incroyable de Hugh Glass, basée sur des faits réels.

 

Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption. – Source : Allociné.

 

Si le thème très prisé de la vengeance s’est retrouvé entre les mains du réalisateur Alejandro González Iñárritu, c’est d’abord le coréen Park Chan-wook qui avait été le premier sur ce projet de long-métrage (The Revenant aurait-il alors été le quatrième volet de son œuvre autour de la vengeance ?). Pour le rôle titre, les noms de Samuel L. Jackson et Christian Bale se sont fait entendre, avant de laisser place à Leonardo DiCaprio et Tom Hardy pour interpréter les deux protagonistes principaux. Attendu de pied ferme, et accueilli plus que chaleureusement lors des ses avant-premières, The Revenant a su faire naître une hype bien particulière, laissant planer autour du film un secret espoir de voir DiCaprio enfin récompensé lors de la Cérémonie des Oscars 2016. The Revenant est-il donc l’ovni cinématographique dont beaucoup parlent ?

 

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[divider]Un périple infernal dans un enfer blanc[/divider]

 

Il est clair, dès les premières minutes du film, que nous n’assisterons pas à une performance cinématographique des plus académiques, et que The Revenant porte en lui de nombreuses empreintes qui lui confèrent une identité véritable et précieuse.

Si le synopsis du film n’offre rien d’extravagant, et que l’on connaît, à la louche et à l’avance, le fil rouge qui conduira le récit jusqu’à sa conclusion inéluctable, The Revenant nous livre un traitement du thème de la vengeance magnifié par un visuel somptueux, des moments d’une rare intensité, et de nombreux autres atouts qui crèvent l’écran.

La trame narrative prend donc place dans une Amérique sauvage et reculée, perdue dans des immensités désertiques glacées, ponctuées de rivières tumultueuses, de cascades, et autres forêts aux lueurs crépusculaires. Si le film nous relate la folle histoire de ce survivant transporté par sa soif de vengeance, The Revenant est également une splendide ode à la nature, à sa beauté, à ses forces et à sa suprématie sur l’Homme. Les plans sont souvent longs et splendides, laissant la part belle à des paysages saisissants et glaciaux. Ces photographies magnifiques, toutes tournées en lumière naturelle au Canada ou encore en Argentine, traduisent sans cesse cette attention particulière apportée à la Nature, jusqu’à lui octroyer presque un statut de personnage à part entière, omniprésent et capital dans les péripéties qui guideront notre héros.

 

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Cet hommage magistral aux forces naturelles qui régissent notre monde habille donc le périple de Hugh Glass, en créant avec brio une alternance de se scènes de carnage et de contemplation pure. Nous survolons donc les 2h30 du film dans un état très particulier : le temps est long, s’écoule lentement, mais de façon appréciable, et l’on suit comme dans un demi-sommeil le parcours exténuant de notre héros, comme pour renforcer l’immersion sur son état : il se dit lui-même déjà mort, tandis qu’il titube bravement dans cette nature menaçante. Seule la vengeance compte, et après cela finalement, plus rien n’aura d’importance.. Du côté de la musique, l’OST du film signée par l’excellent Ryuichi Sakamoto et Carsten Nicolai, ponctue l’épopée de Glass d’accents minimalistes, mélancoliques, proche d’un caractère mystique par moments, comme aurait pu le faire un Arvo Pärt dans un tout autre contexte. Les quelques paroles déclamées tout au long du film renforcent son caractère onirique, cette transcendance du personnage qui oscille entre la vie, la vengeance et la mort, et en cela, on notera que le titre de l’œuvre revêt beaucoup plus de symbolique qu’il ne le laisse paraître.

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Pour revenir à notre héros, nous savons donc d’entrée de jeu que le chemin sera loin d’être simple pour lui, et tout comme le suggéreront les immensités enneigées du film, il devra survivre seul, dans un univers hostile en tout point : rien ne l’épargnera, ni les tempêtes, ni son état de santé, et encore moins les hommes, quel que soit leur camp, indiens ou colons.

 

[divider]Un chemin de croix, une rédemption ?[/divider]

 

Hugh Glass affrontera toutes les atrocités possibles et imaginables pour mener à bien sa quête vengeresse. Qu’elles soient morales ou physiques, les souffrances du trappeur le hanteront à partir de sa chute, jusqu’à sa fin symbolique, lorsque le long-métrage s’achève. Notre héros se retrouve donc comme une espèce de martyr, motivé par sa seule soif de vengeance pour accomplir les exploits qui seront les siens. Pour renforcer ces derniers et nous faire prendre la mesure du caractère extraordinaire du personnage, rien ne nous est épargné, à commencer par le combat avec l’ourse, une scène violente d’une intensité rare, peu commune dans la sphère grand public du cinéma actuel. La suite de l’aventure n’est pas en reste non plus, et c’est dans les détails les plus dérangeants et les plus irritants qu’ira puiser le réalisateur pour nous partager le calvaire du protagoniste. L’ambiance glaciale et moite du film n’arrange rien à tout cela, et l’on frissonne de bout en bout, tant grâce aux vues enneigées et aux grelottements du personnage, qu’à l’idée de voir toutes ces plaies ouvertes, soumises à la crasse, au froid et autres conditions les plus extrêmes. Si l’aventure cinématographique aurait pu prendre des tournants parfois « faciles » dans les prises de vue, Alejandro González Iñárritu nous livre des détails sanguinolents aussi sordides que réalistes. Il frappe là où ça fera le plus mal, se détachant des bienséances, de la complaisance et des codes du genre pour nous livrer la représentation d’une survie aussi écœurante qu’elle est magistrale. Le diable est dans les détails, et ces effusions de sang éparses, jamais gratuites et toujours pensées dans un souci de réalisme sauront sans nul doute vous convaincre.

 

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Beaucoup de superlatifs et d’atouts pour un seul film donc, qui autorise d’ores et déjà de solides espoirs pour la cérémonie des Oscars à venir, et même si l’on a connu DiCaprio dans de meilleurs rôles, on ne peut s’empêcher de penser que cette fois-ci sera peut-être la bonne. S’il fallait cependant trouver un point faible à The Revenant, ce serait sans doute sa longueur, qui à mon sens, sert autant qu’elle dessert le film : il s’agira alors de voir si l’enjeu contemplatif du film parviendra à vous toucher, sans quoi en effet, le périple que propose The Revenant pourrait bien vous sembler ennuyeux,  à l’exception des quelques scènes d’actions proposées.

Enfin, et vraiment pour aller chercher la petite bête, on pourrait se lasser de la réflexion autour de la vengeance menée par le réalisateur : rien de nouveau à l’horizon. La vengeance devient un moteur incroyable de survie pour Hugh Glass qui souhaite venger son fils ainsi que l’homme qui l’a laissé pour mort. On devine les exploits, on devine la fin, ainsi que ce vide qui hantera le protagoniste principal, enfin récompensé. Le réalisateur s’échine d’ailleurs à appuyer cette réflexion dans les propos tenus par le héros et le grand méchant du film, chose dont on aurait pu aisément se passer, en préférant la deviner plutôt que de l’entendre. Pour une réflexion plus poussée sur le sujet, allez plutôt voir du côté de la Corée du Sud avec des œuvres noires telles que J’ai rencontré le Diable.

 

 

Ce petit bémol ne doit cependant pas vous empêcher de courir voir The Revenant, pour une expérience particulière et intense de cinéma. Que l’on accroche ou non à la barbarie du propos et à la contemplation des images, The Revenant propose un voyage long, difficile, éreintant à travers une nature sublimée, et une humanité aussi sombre que brutale. Un film doté d’une grande empreinte, un pari amplement réussi, et tout nos vœux de réussite pour la suite de ce long-métrage.