Place à la réflexion ! Dans l’Arcade Pensante, nous essayerons ensemble de comprendre le lien qu’entretiennent les joueurs avec leurs jeux vidéo. Si je ne suis ni écrivain, ni philosophe, ni même poète, je n’en suis pas moins curieux. Je me plais à essayer de « visiter » ma passion différemment et il est parfois intéressant de réfléchir et d’essayer de trouver des axes de réflexions, axes qui ne seront pas forcément creusés en profondeur, mais qui vous emmèneront comme moi (je l’espère) à vous poser des questions et à débattre sur ces sujets.

Pour ce premier numéro, nous allons chercher à comprendre le lien qui unit le joueur, la réalité et la mort d’un personnage.

 

[divider]Le temps, le lien entre la mort et le jeu[/divider]

 

S’il y a une chose que l’homme ne pourra jamais contrôler, c’est bien le temps. Ce dernier définit « l’avant », le « pendant » et « l’après » mais il n’a pas de définition propre (nous ne pouvons pas dire que le temps est quelque chose, puisqu’il l’a été et le sera aussi). Or, il n’y a que dans le jeu que nous pouvons interagir avec ce trinôme. En effet, par le simple fait d’utiliser la sauvegarde,  le « pendant » est aussi « l’avant ». Si quelque chose se passe, il suffit simplement de revenir en arrière. Là où la mort humaine signifie la fin de la vie, une mort dans un jeu vidéo ne signifie pas pour autant la fin de ce même jeu.

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Certes le personnage joué peut être supprimé ou injouable (dans le cas de jeux dits « hardcore » par exemple), mais le jeu en lui-même continue d’exister au sens propre. Le temps « réel » n’ayant pas d’emprise sur le jeu, il ne peut pas mourir. Alors comment mourir dans un jeu ?

La façon la plus facile de le faire est d’éteindre la console/l’ordinateur. Cette simple action met fin à l’existence du jeu car le temps ne s’écoule plus à l’intérieur du jeu. Or, Heidegger disait : « Ce n’est pas la mort qui nous vient du temps, mais le temps qui nous vient de la mort », donc que c’est la mort qui définit le temps et non pas l’inverse. Nous sommes en face d’une contradiction intéressante. Et c’est vers cela qu’il est intéressant de se diriger, car le jeu vidéo et le joueur jouent sur plusieurs plans de réalité à la fois et sont à la fois morts et vivants.

 

[divider]La triple mort et résurrection du joueur[/divider]

 

Définissons tout d’abord ce que j’appellerai le « cadre de référence » du joueur : c’est le rapport qu’entretient le joueur avec les différentes réalités qui lui sont « imposées » .  Dans la psychologie humaine, nous fonctionnons tous avec des « cercles d’attentions » : soi-même, l’environnement proche et l’environnement lointain. Plus le sujet est en confiance, plus il « regarde loin ». Par exemple, dans l’apprentissage de la conduite de voiture, il faut se concentrer dans un premier temps sur le volant (la direction), puis viennent les pédales et enfin la liberté d’action totale avec les fadas dans les villes.

Chez le joueur, il y a trois plans de réalité : le personnage dans le jeu, le jeu en lui-même et la vraie vie. Et pour en revenir à notre sujet principal, la mort, il est nécessaire de comprendre que le joueur ne meurt que dans une seule de ces réalités à la fois. Voila un exemple simple qui définit ces trois réalités : Jean est un joueur sympathique. Jean joue Link (le personnage) dans Super Smash Bros (le jeu) avec deux amis dans le salon (la vraie vie). Quand Jean joue Link, il ne joue plus au jeu, mais il joue au personnage DANS le jeu. Lorsque Jean perd toutes ses vies (parce que Jean n’est pas un joueur si fort que ça, en vrai…), alors son personnage meurt et Jean devient spectateur. Mais il n’a pas arrêté de jouer au jeu pour autant, il a même recommencé à y jouer puisqu’il ne jouait plus au jeu mais au personnage dans le jeu. Enfin lorsque Jean et ses deux amis décident de partir à la piscine (c’est l’été et il fait chaud, compréhensible), ils éteignent la console et recommencent la « vraie vie ».

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Les trois cercles d’attentions, transposable pour toutes les situations de la vie.

 

Ce qu’il faut voir, selon moi, c’est que jouer à un jeu vidéo revient à être mort à deux tiers : nous ne jouons pas à « Metroid Prime », nous jouons Samus Aran. C’est un concept assez difficile à s’imaginer car en jouant, nous passons sans cesse d’un plan à l’autre. Il suffit de se lever pour aller récupérer un verre d’eau pour passer d’un côté à l’autre. Il suffit de mettre pause pour changer les options pour passer du personnage au jeu (car les options définissent le jeu et le gameplay, non pas le personnage).

Le « Game Over » vous fait passer du personnage au jeu, et votre mère qui vous appelle pour manger du jeu à la réalité. Et lorsque vous allez de l’un à l’autre, vous mourrez dans l’un et revivez dans l’autre.

 

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[divider]Est-ce que jouer aux jeux vidéo, ce n’est pas déjà être mort ?[/divider]

 

Parlons plus philosophiquement, en citant un peu des grands noms de cette science.

Schopenhauer disait : « La mort est le moment de l’affranchissement d’une individualité étroite et uniforme, qui, loin de constituer la substance intime de notre être, en représente bien plutôt comme une sorte d’aberration. »

Épicure disait : «Familiarise-toi avec l’idée que la mort n’est rien pour nous, car tout bien et tout mal résident dans la sensation : or, la mort est la privation complète de cette dernière.»

Et si jouer à un jeu vidéo, ce n’était pas être déjà mort ?. En effet, pour Schopenhauer, être mort, c’est lorsqu’une personne n’est plus un individu. Or, lorsque cinq personnes jouent au même jeu en même temps, avec le même personnage, le même gameplay, la même histoire, les mêmes règles et le même but, ces cinq personnes sont-elles encore cinq individus différents ?

Épicure estime que la mort c’est l’absente de sensations. Alors certes, en jouant, nous avons tous des sensations (la peur ou la joie mais an vrai, c’est surtout l’énervement), peut-on cependant encore parler de sensation quand un ensemble d’individus ressentent la même chose aux mêmes moments ?

 

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Dans tous les cas, une chose est sûre : quand notre personnage préféré ou le héros qu’on a le plus équipé (et qui était complètement imba) meurt, on a bien les boules ! À la prochaine pour d’autres réflexions sur nous et nos jeux !