Présentation du film : Les Fils de l’Homme

Le genre n’est pas nouveau et pourtant, nous le retrouvons de plus en plus de nos jours. Le post-apocalyptique est aujourd’hui l’un des sujets les plus plébiscités par le public, qu’il s’agisse d’œuvres littéraires, cinématographiques ou encore vidéoludiques. Les exemples sont donc nombreux, tant et si bien qu’il serait impossible de les citer tous, et pourtant, si le genre du post-apocalyptique rencontre aujourd’hui un si net succès, c’est sans doute parce qu’il répond à des questions, des attentes et à un réel intérêt de la part des spectateurs.

Tour à tour violent, humaniste, politique, horrifique ou parfois encore philosophique, le genre post-apocalyptique (appelé aussi communément post-apo) brouille les frontières de nos valeurs pour nous proposer des intrigues complexes et pour le moins originales, sur la base d’une refonte totale (ou presque) du monde tel qu’on le connaît. Films, livres, séries, et jeux vidéo possèdent donc chacun leurs opus de référence en matière de post-apocalyptique et c’est tout naturellement que Cleek se tourne une nouvelle fois vers ce genre si particulier, pour vous présenter aujourd’hui le long-métrage d’Alfonso Cuarón sorti en 2006 : Les Fils de l’Homme.

 

 

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[divider]Le Film[/divider]

 

Avant toute chose, il faut préciser que Les Fils de l’Homme ne correspond pas à l’idée première que l’on se fait d’un film post-apocalyptique. Vous ne trouverez pas ici de catastrophe nucléaire, ni d’épidémie mystérieuse et encore moins de zombies et autres abominations du genre. Pourtant, c’est bel et bien un long-métrage post-apocalyptique que nous propose ici Alfonso Cuarón, sur base de l’intrigue du roman éponyme de P.D James. Il ne sera toutefois pas question ici du livre, mais bel et bien de la célèbre réalisation cinématographique qui a été créée autour de ce non moins célèbre roman.

Souvenez-vous, nous en parlions la semaine passée dans notre introduction au genre post-apocalyptique : Les Fils de l’Homme nous présente ce synopsis troublant et accrocheur comme situation initiale du récit ; tout se déroule en Angleterre dans un futur pas si lointain, puisque nous sommes alors en 2027. Le réalisateur nous parle alors du point de départ de ce déclin commun à toute intrigue post-apocalyptique : depuis 18 ans, l’humanité ne parvient plus à se reproduire. Les femmes sont infécondes, et c’est par ce mal invisible, inexpliqué et pernicieux que notre espèce s’éteindra. Comme si cela ne suffisait pas, l’humanité est également en proie à des vagues de violence et de répression sans précédent, et c’est dans un système totalitaire, imposé à force de paranoïa sécuritaire (tiens ?) que se déchaînent les sombres pulsions d’une humanité agonisante. Les groupuscules indépendants saccagent tout sur leur passage, les religions se fanatisent, et les frontières du pays se ferment, tant et si bien que les immigrés sont désormais les bêtes noires de la nation, traquées et éradiquées dans les fameux « camps de réfugiés ». L’homme n’a alors plus d’espoir, pleurant dès les premières minutes du film la mort de l’être humain le plus jeune du monde, tué lors d’une altercation.

L’histoire suit alors plus spécifiquement la vie de Theo (Clive Owen), ancien activiste politique, désormais citoyen lambda, dont le destin sera très vite chamboulé par une surprenante découverte : une leader du « terrorisme » national (Julianne Moore), militante active, et accessoirement, ancienne fiancée de Theo revient vers lui, en lui demandant de l’aider à protéger une jeune clandestine, Kee (Claire-Hope Ashitey) afin de l’escorter vers le « Renouveau Planétaire », une organisation aussi mystique que mystérieuse, dont on ignore parfaitement si elle existe bel et bien. Tout d’abord embarrassé par cette mission à laquelle il consent de participer, Theo change rapidement d’avis en découvrant le secret de la jeune femme, qui porte en elle l’espoir de l’humanité, car oui, Kee est enceinte. Avec l’aide de quelques comparses et de son ami Jasper (interprété avec brio par Michael Caine, méconnaissable en hippie bienveillant), Theo se lance donc dans une course effrénée contre le temps, les autorités, et l’homme, devenu alors un loup pour l’Homme.

 

 

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[divider]The last one to die please turn out the light.[/divider]

 

Si vous trouvez la situation initiale du film pesante et pessimiste, je tiens à préciser que les choses n’iront qu’en empirant (à quelques détails près). Les Fils de l’Homme est un film résolument sombre et violent, qui va probablement vous briser le moral. Le réalisateur Alfonso Cuarón évoque par ailleurs qu’il tenait non pas à présenter une vision pessimiste du futur, mais bel et bien « une vision réaliste du présent ». Et en termes d’environnement actuel, le film retranscrit à la perfection son univers. Il n’y a pour ainsi dire pas de différence notable avec le notre. Pas d’avancée technologique, ni de régression particulière. Les gens vivent comme ils le font actuellement, dans une société que l’on connaît déjà, mais dont les investigations gouvernementales ont été poussées à leur paroxysme. Si l’ensemble vous paraît assez familier, vous noterez cependant quelques points-clé déroutants, car Les Fils de l’Homme est ce genre de film qui nécessite probablement plusieurs visionnages pour en retirer tous les messages disséminés ici et là. Si vous serez sensibles à l’intrigue principale la première fois (et cette dernière pourrait sembler un peu simpliste), vous serez sans doute interpellés lors d’un second visionnage par le nombre incalculable de détails mis en scène au second plan pour instaurer au mieux cette ambiance de répression. Vraiment, le film mériterait de faire des arrêts sur images pour profiter de la richesse des informations que nous délivrent les environnements du film.

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Rien ne manque à l’appel : la propagande anti-immigration, poussant les habitants à la haine et à la délation via de nombreuses affiches, spots publicitaires ou autres annonces vocales, des tags omniprésents sur les murs de la ville comme des prophéties cyniques de notre temps,  la contrefaçon de pilules factices pour combattre l’infertilité, ou encore, la légalisation (bien réelle, elle) de kits de suicide nommés Quietus, qui vous permettent de quitter ce monde sans douleur, et avec en prime, une hallucination auditive apaisante pour vous accompagner dans l’autre monde. Je ne saurais trop vous conseiller que de prêter un regard attentif à ce souci extrême du détail qui enrichit considérablement l’univers dans lequel le film nous transporte ; parfois anecdotiques, ou parfois encore éléments d’informations, leur richesse contribue à créer une ambiance immersive immédiate dans ce récit cauchemardesque.

 

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[divider]Un bijou de réalisation[/divider]

 

Du point de vue de la réalisation, Alfonso Cuarón signe avec Les Fils de l’Homme un exercice magistral de précision et de justesse. L’esthétique du film se veut volontairement « sale » pour coller au côté désespéré de la situation. Le film semble plongé dans une sorte de camaïeu poussiéreux de gris, malgré une luminosité très franche qui ne suffira bien sûr pas à apporter un peu de sérénité au paysage, bien au contraire : les plans réguliers sur les rayons du soleil semblent même être là pour mettre en lumière le caractère inexorable du déclin de l’Homme.

Côté musique, le film nous présente un bande-originale composée de divers tubes de rock (Deep Purple, les Beatles, pour ne citer qu’eux) comme vestiges des divertissements passés. La joie primaire de ces quelques chansons résonne alors différemment : quel est alors l’intérêt de l’art et de la culture dans un monde condamné à mourir dans les prochaines décennies ? Certaines scènes du films sont par ailleurs accompagnées de musiques beaucoup plus dramatiques, notamment celle de John Taverner intitulée d’ailleurs « Fragments of a Prayer », dont l’empreinte lyrique teinte le film d’une sorte de mysticisme tragique. Le réalisateur avait par ailleurs commandé ces pièces au compositeur en lui imposant des thèmes tels que la naissance, la rédemption, ou encore la maternité.

Il reste enfin à souligner que même du point de vue de la musique, certains titres sont également là pour faire écho à l’histoire. Ainsi, lors de l’arrivée dans un camp de réfugiés, vous entendrez la chanson Arbeit macht Frei (les Libertines), référence directe à la devise exposée à l’entrée des camps de travail nazis. Enfin, d’autres symboles disséminés tout au long du film contribuent à instaurer cette ambiance si particulière. Les Fils de l’Homme, bien que très réaliste et violent, semble laisser flotter autour de lui une aura religieuse dont les multiples références parviennent à apporter ce côté à la fois fataliste et pieux. Le nom de l’œuvre elle-même fait directement référence à la Bible, tandis que le protagoniste principal, Theo (dont le nom signifie Dieu en grec) se présente alors comme une allégorie de notre part d’humanité, celle qui n’a pas encore perdu tout espoir. Le bateau sur lequel Kee doit embarquer n’est pas sans rappeler, lui, l’arche de Noé (ne serait-ce que par son nom : Renouveau Planétaire), et la jeune femme enceinte, quant à elle, devient alors une icône, en capacité de donner la vie et de perpétuer l’espèce. Les cris d’un bébé suffisent alors à faire cesser les conflits pendant un temps, reléguant la haine et la violence au second plan pour laisser parler des notions fondamentales de compassion, de solidarité, d’amour et d’espoir.

 

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Par ailleurs, il est à mentionner que Les Fils de l’Homme comporte quelques plans-séquences désormais très célèbres de par leur durée. Alors oui, quand on est dans le film, il est difficile de prêter attention à ce genre de détail, mais néanmoins, le films propose plusieurs scènes (dans la voiture, l’accouchement ou encore dans le camp de réfugiés), oscillant entre 3 et 6 minutes, et dont le tournage n’a jamais été interrompu ; un travail de virtuosité scénaristique donc, tant de la part de l’équipe technique que de la part des interprètes. Le fait que les scènes n’aient pas été coupées suffit alors à renforcer le caractère immersif de ces dernières, et l’on suit fébrilement la course cauchemardesque de Theo et Kee dans une Angleterre dévastée. Si enfin, les nombreuses scènes affreusement déchirantes du film n’ont pas suffi à vous faire verser quelques larmes, la fin du film, volontairement peu aboutie ainsi que le début du générique de fin auront sans doute le mérite de vous laisser un goût amer. Les Fils de l’Homme est donc un chef-d’œuvre proposant une vision originale et sans concession d’un post-apocalyptique où l’Homme se meurt à petit feu, oscillant entre le pessimisme et la foi quant à son avenir incertain.

 

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