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Manga et symbolique : six symboles décryptés

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Bonjour à tous et bienvenue dans ce second article dédié à la symbolique ! Après avoir exploré ensemble l’étymologie des noms des champions de League of Legends dans un précédent article, on se concentrera aujourd’hui sur la symbolique dans un autre support non moins populaire que League of Legends : les mangas.

À l’instar du premier article, il ne s’agira pas de dresser une liste exhaustive de symboles mais plutôt de s’arrêter sur quelques symboles intéressants et emblématiques de la richesse de sens dans l’univers du manga. Nous aborderons une demi-douzaine d’exemples, dont Fullmetal Alchemist, Sakura Card Captor, Shingeki no Kyojin, Naruto et, pour finir, Pokémon, en ayant à chaque fois à cœur de s’interroger sur les choix graphiques d’un tel symbole.

L’interprétation étant toujours un exercice doté d’une part relative de subjectivité, n’hésitez pas à nous faire part de vos impressions dans la section commentaires. Après l’étymologie des noms, continuez avec nous votre voyage au pays des symboles.

 

[divider]Full Metal Alchemist[/divider]

 

Le manga culte d’Hiromu Arakawa, Fullmetal Alchemist, fait la part belle aux symboles tout au long de ses 27 tomes et pour cause : dans l’univers des cercles de transmutation, l’entrelacs de lignes et de symboles est lourd de sens et de puissance. Si le manga recèle de nombreux symboles, nous ne nous arrêterons toutefois que sur deux d’entre eux : le caducée et l’ouroboros. Le caducée est dans Fullmetal Alchemist le symbole des alchimistes, c’est pourquoi il apparaît sur la cape d’Edward Elric et sur l’omoplate d’Izumi Curtis. Avant de spéculer sur la signification de ce symbole, il nous faut différencier le caducée du bâton d’Asclépios.

Caducée FMA


 

Le caducée est une baguette surmontée de deux ailes, autour de laquelle s’enroulent deux serpents entrelacés. Il est l’attribut d’Hermès, dieu-messager du commerce, de l’éloquence et des alchimistes. Le caducée se réfère à l’alchimie en tant que science de la transmutation : les deux serpents enroulés représentent l’équilibre entre le soufre et le mercure. Symbole de paix, le caducée est, selon le mythe, le sceptre qui permit à Hermès de séparer deux serpents qui combattaient.

Le bâton d’Asclépios, du nom d’Asclépios, dieu de la médecine, est un bâton autour duquel s’enroule une seule couleuvre. Foudroyé pour avoir tenté de ressusciter les morts, Asclépios représente le pendant médical de la science alchimique. L’alchimie cherche en effet le secret de la transmutation du plomb en or, mais aussi la panacée et l’élixir de vie éternelle. Panacée, fille d’Asclépios dans la mythologie grecque, représente la médecine universelle.

Le caducée de Fullmetal Alchemist est donc un mélange intéressant du caducée et du bâton d’Asclépios, dans une tentative de réunir les missions de transmutation et de médecine qui sont au cœur de l’alchimie. Le thème de la vie éternelle est au cœur du manga, et le choix du bâton de vie et de mort n’est pas anodin pour les alchimistes qui jouent à se prendre pour Dieu. Il est cependant à noter que le bâton est devenue une croix, autre symbole biblique d’un manga connu pour avoir personnifié les sept péchés capitaux.

 

 

Ce qui nous amène tout naturellement au second symbole de cette section dédiée à Fullmetal Alchemist. L’ouroboros est, dans le manga, le symbole des homonculus, qui sont au nombre de sept, un pour chaque péché capital. L’emplacement du tatouage n’est jamais anodin : Greed, cupide, l’arbore sur sa main tandis que le vorace Gluttony le porte sur la langue. Mais plus que son emplacement, c’est la signification du symbole qui nous intéresse ici.

L’ouroboros est un symbole aussi ancien que mystérieux. On le rencontre sur tous les continents, à des époques où les civilisations concernées ne pouvaient se rencontrer. Il a à chaque fois le sens d’éternité en tant qu’éternel recommencement. Le serpent qui se mord la queue figure un cycle qui n’a de cesse de se perpétuer, ou en d’autres termes le caractère cyclique du temps.

L’ouroboros exprime ainsi l’éternité, mais de façon inquiétante car stérile (le serpent n’est tourné que vers lui-même) et répétitive (en formant un cercle), au contraire de la vie éternelle du bâton d’Asclépios. Si les deux symboles sont des symboles communs de l’alchimie, ils se répondent en tant que principes respectifs de vie et de mort.

 

[divider]Sakura et la carte du Vent[/divider]

 

Dans Sakura, chasseusse de cartes de Clamp, la carte du Vent est la première de la collection de Sakura. En effet, de par sa nature douce et docile, la carte du Vent retourne d’elle-même dans le livre de Clow après l’éparpillement des cartes. Si elle n’avait été que la première d’une longue série, la carte du Vent aurait pu se révéler négligeable mais elle entretient en fait, dans le manga, une relation étroite avec l’héroïne, dont c’est la carte « de cœur ».

 

Windy, surmontée du Kanji du Vent « Kaze » 風 (©inuebony sur DeviantArt)

 

Ainsi, on peut s’interroger sur le choix de la carte du Vent comme carte de prédilection de Sakura. Premier argument en sa faveur, la carte est une des quatre Élémentaires avec la carte de l’Eau, de la Terre et du Feu, et se révèle donc relativement puissante. À l’inverse de la Terre et du Feu, cependant, la carte du Vent est l’une des 26 cartes gouvernées par la Lune, tandis que l’autre moitié des 52 cartes de Clow relève du domaine solaire. Astre féminin par excellence, la lune est souvent associée, dans l’étude des symboles, au féminin, du fait de la relation étroite entre les cycles menstruels de 28 jours et les cycles lunaires. Artémis, dans le panthéon grec, est la déesse de la lune tandis que son frère gouverne le soleil.

À l’instar d’un autre manga du genre « magical girl » Sailor Moon, la lune est ainsi un symbole fondamentalement féminin, mais nous restons en butte à une difficulté majeure : dans le manga, la plupart des Cartes ont une représentation féminine. De par leur fonction allégorique, les concepts abstraits sont ainsi volontiers représentés sous la forme d’une créature de sexe féminin. Carte de la liberté et du mouvement, commandant aux cartes fonctionnelles très utilisées dans le manga du Saut et du Vol, la nature lunaire de la Carte du Vent est-elle due au hasard ?

Dans la répartition des éléments, il n’est pas étonnant que la Terre et le Feu soient associés au soleil. Chaleur et photosynthèse sont en effet la prérogative de l’astre solaire, quand la lune exerce son pouvoir d’attraction sur le mouvement des marées. Mais alors, qu’en est-il du Vent ? Son appartenance à la catégorie des cartes de la Lune se justifie par la philosophie chinoise du yin et du yang, dans laquelle l’obscurité et la lumière sont à la fois complémentaires et en parfait équilibre l’une par rapport à l’autre.

 

Shaolan Li dans le manga

 

La mention du yin et du yang n’est pas innocente : c’est un symbole étroitement lié au personnage de Shaolan Li, qui, dans le manga, est originaire de Hong Kong et se réclame être le plus proche parent de Clow. Ainsi, le vent serait un élément lunaire pour parfaire l’équilibre entre les cartes élémentaires (Eau, Feu, Terre et Vent) et primordiales (que sont les cartes de la Lumière et de l’Obscurité, et qui sont, fait intéressant et une fois de plus emblématique de la philosophie du yin et du yang, capturées en même temps dans le manga, car l’une n’existe pas sans l’autre.).

Le mystère autour du personnage de Yue, avatar de la lune, et de son rôle dans le manga souligne l’accent mis sur l’importance symbolique de l’astre lunaire dans le déroulement du récit. Carte céleste, le Vent est l’élément du ciel mais aussi celui qui se rapproche le plus de la gaieté et de l’énergie dont fait preuve Sakura tout au long du manga.

 

[divider]Shingeki no Kyojin[/divider]

 

Shingeki no Kyojin ou L’Attaque des Titans est un manga écrit et dessiné par Hajime Isayama. Dans ce monde dystopique, les êtres humains vivent dans l’enceinte de villes entourées de remparts fortifiés, empêchant de terribles géants mangeurs d’homme d’y pénétrer pour en dévorer la population. Dans ce manga rappelant furieusement les contes européens, l’emblème du bataillon d’exploration affrontant les Titans représente des ailes entrecroisées.

 

L’emblème du bataillon d’exploration, les « ailes de la liberté »

 

Dès le début du manga, les remparts des villes protégeant la population contre les Titans sont comparés à une prison, et le jeune Eren aspire à s’aventurer en-dehors de leur protection pour découvrir le monde extérieur et être libre. L’emblème de l’unité d’exploration, qui effectue des missions en extérieur à des fins de reconnaissance ou de reconquête, reprend le thème d’une liberté qui serait avant tout une liberté de mouvement.

Mais le symbole va encore plus loin : les ailes représentent le rêve de s’émanciper d’une vie cloîtrée derrière des murs et clouée à terre. Dans les villes fortifiées, l’horizon des individus est bouché par les remparts qui limitent leurs déplacements et leurs aspirations. Les ailes représentent à la fois la nécessité de s’élever au-dessus de la restriction de perspectives imposée par les Titans, symbolisée par le mur, mais aussi l’envol des membres du bataillon d’exploration, qui s’élancent dans les airs pour atteindre leurs ennemis mortels à la nuque.

 

[divider]Naruto et le symbole de Konoha[/divider]

 

On ne présente plus le manga Naruto, de Masashi Kishimoto, ni son jeune et turbulent héros éponyme. Le manga comporte son lot de sceaux et de symboles, mais il en est un qui a habité l’œuvre de bout en bout et s’avère plus complexe qu’on ne l’aurait cru de prime abord. Le symbole de Konoha, village caché du pays du Feu, représente, comme le nom du village l’indique, une feuille. Jusqu’ici, rien de bien inhabituel.

 

 

Le symbole devient réellement intéressant quand on le compare aux symboles de autres villages cachés. Du sablier du village caché du Sable au nuage du village caché de la Foudre, aucun symbole de village autre que Konoha ne présente cette forme particulièrement ronde. Et au pays de l’aspirant Hokage, rien n’est laissé au hasard.

Le choix graphique d’un tel symbole apparaît plus clairement à la lueur des origines du nom de Naruto lui-même. Le prénom « Naruto » vient des narutomaki, un ingrédient de râmen arborant une spirale rose, et le nom « Uzumaki » vient d’une part de l’« uzu » du mot uzushio, signifiant tourbillon, et d’autre part du mot « maki » signifiant rouleau. Ainsi, d’un point de vue purement graphique et dès le début du manga, le symbole même de Konoha semble prédire le succès de Naruto dans son ambition de devenir hokage. L’emblème du clan Uzumaki, que l’on découvrira plus tard, et l’étymologie du nom du héros éponyme pointent en effet subtilement dans cette direction.

 

[divider]La Pokéball[/divider]

 

La présence de la pokéball sur cette liste peut prêter à sourire. Après tout, l’objet est banal pour qui a parcouru les routes du monde de pokémon. Et si Pokémon n’est pas, à proprement parler, un manga, il est intéressant de se pencher sur cet objet emblématique de la saga, et de le passer au crible des mêmes questions qui nous ont agités tout au long de cet article : pourquoi un tel choix ? Pourquoi ces couleurs ? Cette forme ?

 

 

Loin d’être le fruit du hasard, l’association du rouge et du blanc est un assortiment de couleurs traditionnel au Japon. C’est la répartition des couleurs lorsque deux équipes s’affrontent, les couleurs du drapeau du pays du Soleil levant ainsi que celles des bannières de festivals. À tel point que l’association blanc – rouge traditionnelle porte un nom, kôhaku (こうはく, 紅白), mot formé par les kanji de la couleur rouge (紅) et blanche (白).

Quant à la forme de l’objet, sa capacité à passer à une taille plus petite rappelle une capsule, ainsi que l’amour des japonais pour tout ce qui est petit, technologiquement efficace et de l’ordre du gadget à porter sur soi. Les origines du nom de Pokémon sont effectivement à chercher du côté de l’expression « monstres de poche », et si la pokéball a été érigée au rang de symbole du jeu tout entier, c’est parce que la panoplie d’objets pliables et portatifs à embarquer avec soi dans son aventure n’a fait que souligner au fil des jeux  l’alliance redoutable de la technologie et des monstres mignons.

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