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Détective Conan : le phénomène fête ses 21 ans

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Détective Conan, les raisons d’un succès tout en longévité.

 

La semaine dernière, nous vous proposions sur Cleek une sélection de dramas japonais policiers pour des épisodes pleins de suspense devant lesquels se pelotonner en ces longues mais ultimes soirées d’hiver. Nous continuons aujourd’hui sur le thème de l’intrigue policière au Japon dans un tout autre genre, le manga adapté en animé, avec un titre incontournable : Détective Conan.

Publié pour la première fois en 1994 dans l’édition dominicale du Weekly Shônen par son auteur Gosho Aoyama, Détective Conan (Meitantei Conan 名探偵コナン dans son titre original) est aujourd’hui fort de 84 volumes parus au Japon et de 771 épisodes sortis à ce jour, et ne semble pas prêt de s’arrêter. À titre de comparaison, le manga Naruto, un des plus gros succès de la décennie qui vient de s’écouler, se targue de 72 tomes sortis pour une publication qui, si elle est aujourd’hui terminée, aura duré quinze ans.

Si l’auteur Gosho Aoyama a indiqué il y a quelques jours devoir suspendre la parution de Détective Conan pour quelques mois pour des raisons de santé, aucune fin n’est encore en vue. Vingt-et-une années après la sortie du premier tome de Détective Conan, Cleek mène l’enquête et vous dévoile les raisons du succès des aventures du détective en culottes courtes.

 

Détective Conan manga

 

Synopsis : Pour ceux d’entre vous qui n’auraient jamais entendu parler de Détective Conan ou qui ne connaîtraient pas les détails du récit, le manga raconte l’histoire de Shinichi Kudô, brillant détective-lycéen à qui aucune enquête ne résiste. Jusqu’au jour où sa route croise celle de mystérieux hommes en noir, qui le neutralisent et lui font avaler un sérum qui a pour effet de le renvoyer dans son corps d’enfant.

Shinichi se réfugie alors auprès de son ami le professeur Agasa et tente de retrouver les hommes en noir dans l’espoir de trouver un antidote qui lui rendrait sa forme adulte. Gardant le secret sur sa condition, il se fait passer pour un jeune enfant sous le nom de Conan Edogawa auprès de son amie d’enfance Ran et de son père, le fameux mais un peu idiot détective privé Kogoro Môri, qui l’héberge. D’enquête en enquête, il aura la double et difficile tâche de parvenir à maintenir son identité secrète tout en suivant la piste des hommes en noir.

NDLR : Un moyen facile de prendre la mesure du chemin parcouru entre la première diffusion de l’animé le 8 janvier 1996 et ce qu’il est aujourd’hui : regarder à la suite le premier générique d’ouverture et le dernier en date, trente-neuvième du nom. Dix-neuf ans, c’est l’écart qui sépare la musique et l’animation de ces deux génériques !

 

https://www.youtube.com/watch?v=QqbS6lZPP08

https://www.youtube.com/watch?v=wBaOIgTxhZI&feature=share

 

[divider]Tout pour le crime[/divider]

 

Si quelque chose frappe au premier abord, c’est l’absence de réalisme du récit sur tout ce qui ne touche pas à l’enquête en elle-même : Conan ne grandit pas, observe systématiquement des meurtres se produire autour de lui (auxquels il assiste, de façon fort pratique, avant et après, de façon à avoir tous les éléments en main) et sa façon de les résoudre en usurpant l’identité du père de Ran ne pourrait pas tromper l’assistance pendant aussi longtemps.

Tout ceci s’explique par le fait que, ce qui, de toute évidence, intéresse Gosho Aoyama, c’est le meurtre et sa résolution, qui sont avant tout abordés en tant qu’énigme à résoudre. La force de Détective Conan, c’est la construction de l’enquête, et des épisodes tels que « Et puis il n’y eut plus de sirènes » (dont le titre rappelle les Dix Petits Nègres, And Then There Were None dans son titre original par Agatha Christie – épisodes 222 à 224) ou « La Villa de la mort et le Mur Rouge » (épisodes 558 à 561) ou l’enquête sur le Démon chien Inubushi (qui met en scène une famille maudite et un chien en flammes, ça vous rappelle quelque chose ? Eh oui, c’est le chien des Baskervilles, mais version japonaise – épisode 611 à 613) sont impressionnants de rigueur narrative.

À mi-chemin entre un folklore japonais bien présent et un héritage policier très européen, Détective Conan sait manier les ficelles de notre suspicion et nous tenir en haleine jusqu’au dénouement final. Bien sûr, en 770 épisodes, tout n’est pas bon à prendre et nous vous conseillons de privilégier les épisodes adaptés du manga. Ce site vous permettra d’accéder à la liste des tous les épisodes par saison et d’écarter les épisodes hors-série. Si le côté folklorique vous intéresse, nous vous conseillons par ailleurs les épisodes 166 à 168, « L’Araignée de la Villa Tottori » ou encore l’épisode 52, « La Légende du Gobelin de Brume ».

 

[divider]Un savant mélange des genres[/divider]

 

Lorsque la bande-son aux accents jazzy de Détective Conan fait place à des sonorités plus inquiétantes, il est parfois difficile de réprimer un frisson. Des épisodes tels que « L’Homme aux bandelettes de la villa dans la montagne » (épisodes 34 et 35) ou « La Fenêtre occidentale condamnée » (épisodes 446 à 447) se démarquent par leur capacité à créer de la peur, en jouant sur la présence d’une ombre inquiétante et de mystères parfois a priori occultes. À la manière de Sherlock Holmes, Conan n’accepte aucune explication fantasmagorique, et démystifie toutes les légendes, aussi inquiétantes soient-elles. On prend plaisir à se faire peur pour ensuite mieux décortiquer les faits avec logique et sang-froid. Un exemple frappant de cette méthode est le double épisode « La Sorcière dans la Brume » (épisodes 545 et 546).

 

Détective Conan, c’est aussi une histoire d’amour semée d’embûches entre Ran et Shinichi, qui doit donc garder le secret de sa récente transformation, tout en expliquant l’absence continuelle de Shinichi. Amour inavoué adolescent, l’enjeu du retour de notre héros à l’âge adulte se joue autant pour contrecarrer les plans de l’organisation secrète que pour garder le cœur de Ran. Loin des clichés sentimentaux et des répliques mièvres, il est difficile de ne pas être touché par un Conan toujours rattrapé par la réalité de sa condition et côtoyant son aimée tous les jours, dans le plus grand secret.

 

[divider]Références avouées et jeux de mots cachés[/divider]

 

Son appartenance au cercle très fermé des grands détectives de ce monde, Conan la revendique facétieusement à travers de multiples références plus ou moins claires au monde du roman policier, que nous évoquerons ici, de la plus évidente à la plus subtile.

L’univers de l’auteur est celui du roman policier européen, auquel il rend régulièrement hommage. Que ce soit par un « meurtre en chambre close » (密室殺人 misshitsu satsujin, une expression que vous entendrez souvent dans Détective Conan, et qui fait écho au grand classique Le Mystère de la Chambre Jaune, de Gaston Leroux) en passant par la manie, héritée de la reine du crime Agatha Christie, de réunir l’ensemble des suspects avant de désigner le coupable. Ou encore au format du whodunit, qui a marqué d’une empreinte indélébile la construction narrative du genre policier.

Mais les grands noms du roman policier hantent Détective Conan de façon encore plus palpable. Shinichi Kudô choisit par exemple le pseudonyme de Conan Edogawa, Conan pour Sir Arthur Conan Doyle, créateur des aventures de Sherlock Holmes et auteur préféré de notre héros dans l’histoire, et Edogawa pour l’auteur Ranpo Edogawa, un auteur japonais de romans policier du début du 20e siècle.

Son professeur et allié, le professeur Agasa, bénéficie lui d’une double référence : Agasa pour Agatha Christie (prénom qui se prononce donc Agasa au Japon) et Hiroshi car son nom s’écrit avec les caractères 博 (hiro) 士 (shi), homographe parfait du mot hakase (博士) qui signifie « savant, docteur (en tant que titulaire d’un doctorat) ». Eh oui, Agasa est en effet… un professeur, bien vu !

D’autres références sont relativement claires, telles que le Café Poirot où se retrouvent parfois nos protagonistes (référence, bien sûr, au célébrissime détective belge Hercule Poirot, créé par Agatha Christie) ou le personnage de Kaitô Kid lui-même, dans la mesure où il reprend, jusque dans son apparence, le concept de « gentleman cambrioleur » du personnage d’Arsène Lupin. L’ombre de Maurice Leblanc s’étend d’ailleurs jusqu’au nom du personnage de Ran, qui se nomme donc Môri Ran, subtil réagencement à la japonaise du nom Maurice Leblanc, justement ! Quant au placide inspecteur Megure, il suffit de prononcer son nom à haute voix et l’on décèle immédiatement la référence à un autre grand solveur d’énigmes, créé par Georges Simenon : l’inspecteur Maigret.

En ce qui concerne les jeux de mots cachés, le plus grand coup de maître réside pourtant dans le nom « Shinichi » lui-même. Si vous êtes familiers de l’œuvre, vous connaissez le credo de notre détective « Il n’y a qu’une seule vérité » (真実はいつも一つ shinjitsu wa itsumo hitotsu). Regardez attentivement les caractères, on a d’un côté le mot 真実 « shinjitsu », qui signifie « vérité », et de l’autre, le mot 一つ hitotsu, qui signifie « un ». Or, « un » en japonais se dit aussi « ichi » avec le caractère 一. Le nom Shinichi, c’est donc le caractère de la vérité 真 (shin) et le chiffre « un » (ichi), le credo du héros est donc littéralement contenu dans son nom ! Gosho Aoyama a pourtant bien essayé de nous duper en l’orthographiant 新一, petite entourloupe destinée à brouiller les pistes de la part d’un auteur amateur de bons jeux de mots.

 

Détective Conan est une œuvre-fleuve, aussi immersive qu’attachante, dont la galerie de personnages se complète sans cesse et dont les enquêtes au format court raviront tous les amateurs de bons romans policiers. À découvrir ou à redécouvrir.

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