Ingress, le jeu plus vrai que nature
Outre la suprématie que la firme exerce sur le monde virtuel qu’est internet, Google est aussi connu pour ses projets de pointe, pour ses idées de génie de l’ordre de la science fiction, oscillant parfois entre fascination et crainte. Je pourrais notamment citer la voiture sans pilote et les Google glass mais un pas supplémentaire, plus concret et davantage d’actualité, a été fait par la firme américaine dans la réalité augmentée avec Ingress. Ce nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant, c’est tout autour de vous. Décryptage d’un complot – euh, pardon, d’une réalité pas si franche que ça.
[divider]Historique[/divider]
Ingress, c’est quoi ? C’est avant tout un jeu dont le but est de dé-sédentariser le geek. Le gamer est invité à délaisser sa console de salon et son écran d’ordinateur pour se pencher sur celui de son smartphone pour non pas explorer les monts et vallées pixelisés d’univers fantasmagoriques mais bien le monde IRL qui l’entoure.
D’un point de vue plus pragmatique, Ingress, c’est une application développée par Niantic Labs, une start-up interne de Google, et lancée il y maintenant deux ans, en novembre 2012 dans le cadre d’une première bêta uniquement accessible sur invitation et sur Android. Une petite année plus tard, en octobre 2013, cette bêta est étendue, et dès le mois de décembre 2013, l’application est rendue disponible sur iOS. Et depuis son lancement, le jeu connaît un succès certain puisqu’il a déjà été téléchargé plus de 8 millions de fois.
Sous la tutelle de John Hanke, fondateur de Niantic Labs et ancien directeur général de Keyhole dont le principal produit est désormais connu sous le nom de Google Earth (suite au rachat de l’entreprise par Google en 2004), l’application mise donc tout sur la géo-localisation. Vous vous souvenez du Pokemon Challenge ? Alors vous avez l’idée. Équipé de votre smartphone et de son système GPS, vous êtes invités à déambuler dans les rues de votre ville – ou même ailleurs – afin d’atteindre certains portails. Bien évidemment, nous ne parlons pas ici du portail de la maisonnée de votre grand-mère ou de l’arrière-tante du cousin de votre voisin de palier. Car il ne faut pas perdre de vue qu’Ingress est un jeu.
[divider]Histoire[/divider]
En tant que jeu, les règles sont plutôt simples. Deux camps s’opposent : l’Enlightenment (les verts), qui cherche à faire passer l’Humanité à un nouveau stade d’évolution, et la Resistance (les bleus), qui veut protéger cette même Humanité (c’est toujours une histoire de femmes, de toute façon) d’un phénomène encore incompris. Mais quel phénomène, me direz-vous ? Figurez-vous que le Niantic project a découvert sur terre l’existence d’une source d’énergie jusque là inconnue, d’origine extraterrestre (on s’en doute), du nom de Exotic Matter (ou XM pour les intimes). Et que fait cette matière ? Elle permet de contrôler l’esprit humain. Rien que ça. Vous vous doutez bien que tout le monde en veut un morceau.
Choisissez donc votre camp et jetez-vous à corps perdu dans les rues dans le but de faire gagner votre camp. Non, il ne s’agit pas ici d’une invitation à vous prostituer ou à faire la manche (non, plus sérieusement, ne le faites pas), mais bien à capturer le plus grand nombre de portails, sources d’émission de XM, afin de prendre le contrôle de cette source d’énergie. Lorsque plusieurs (en l’occurrence trois) portails sont capturés et connectés entre eux (par un link), on obtient des fields qui permettent soit de contrôler, soit de protéger les esprits humains situés à l’intérieur du champ délimité.
De façon pratique, ces portails sont situés près de lieux historiques, monuments et divers autres éléments de la voie publique. À l’aide de votre application et de votre système de géo-localisation, vous devez vous approcher au maximum du portail, et donc de ce bâtiment IRL, afin qu’il soit dans votre rayon d’action, vous permettant ainsi de débloquer diverses actions, justement (le hacking, la construction ou l’amélioration de portails, le combat…). Ces actions rapportent des points au joueur, qui peut ainsi prendre du niveau et collecter divers objets qui viendront aider – ou non – la prise de portail.
Le contenu du jeu est par ailleurs en constante évolution. Ainsi, s’il n’y avait au départ que 8 paliers de niveau à atteindre, il est passé en mai 2014 à 16. Vous pouvez obtenir différents badges, de nouveaux objets sont régulièrement mis à dispositions, et des évolutions de gameplay ont été faites depuis la naissance du jeu, avec l’ajout du multi-drop et du multi-recycle – plus besoin d’abandonner un par un les objets superflus pour les passer à quelqu’un d’autre.
[divider]Pour ne pas s’engraisser[/divider]
Dis comme ça, bien sûr, cela peut paraître un peu compliqué. Voici par ailleurs un petit guide pratique qui vous expliquera tout ça bien mieux que moi si jamais vous désirez en savoir plus avant de vous jeter à l’eau. Mais Ingress semble convaincre, et son évolution est indéniable. Elle a su rassembler de nombreux joueurs, et c’est un des arguments mis en avant pour promouvoir le jeu. En effet, si vous n’interagissez pas directement avec les autres joueurs, une forte coopération existe néanmoins. Au sein de votre camp, vous pouvez vous aider mutuellement, les joueurs au niveau plus élevé faire des actions qu’un joueur de niveau inférieur aurait bien du mal à réaliser, ou vice versa (même si le PL fonctionne généralement dans l’autre sens).
Des événements de plus ou moins grande ampleur, les Ingress Anomaly Events, sont par ailleurs très souvent organisés : une liste recense toutes les villes et dates où se regroupent gratuitement les joueurs de la région pour des parties ouvertes à tous niveaux, d’une durée de 4 à 5 heures, dont 3 à 4 heures passées à déambuler, et une heure de rencontre. Convivial, le jeu souhaite rapprocher les gens tout en leur faisant voir leur ville autrement.
Autre point très positif, il faut savoir que Ingress a fait l’objet d’un travail approfondi d’écriture grâce à des designers et des artistes spécialisés dans le monde du jeu vidéo. Son univers de science fiction est très poussé, et tout a été étudié. Le graphisme du logo comme de l’application nous plonge dans un univers très crédible (si ce n’est son côté fictif, bien évidemment). Il est facile de se prendre au jeu, jeu dans lequel il n’y a qui plus est ni gentils ni méchants. Les décors sont on ne peut plus réalistes – et pour cause -, et notre corps devient notre console.
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Exemples de screenshoot de Ingress
Ingress serait-il donc le jeu parfait ?
[divider]Ceux qui s’engraissent[/divider]
Vous vous en doutez, cela serait trop facile, et il faut bien nuancer un peu le propos. Si Ingress attire la sympathie par des atouts indéniables, Google n’a cependant jamais caché un aspect plus commercial. Si l’application est gratuite, l’entreprise en retire des profits certains, sur le plus ou moins long terme.
On peut tout d’abord souligner les partenariats qui ont été conclus avec certaines entreprises et magasins, comme la chaîne américaine Jamba Juice ou encore la firme Chrome Industries, dont les produits et boutiques IRL ont été introduits dans le jeu. Mais ce n’est pas seulement cette publicité clairement que dénoncent certaines personnes.
En effet, la question de la géo-localisation et de l’exploitation des données personnelles semble inquiéter. Par la nécessité d’un suivi constant de la localisation du joueur, Google est ainsi en mesure de récupérer plus d’informations que jamais concernant les habitudes de ses consommateurs. Trajets, heures de fréquentation de certaines rues et zone, Google met la main sur une toute nouvelle série d’informations, alors que le contrôle exercé par la firme sur les informations virtuelles (ou non, justement) est plus que jamais d’actualité. Publicité ciblée, ou public invité à se diriger à un endroit précis à un moment précis, l’exploitation de ces données offre de nombreuses possibilités. Peut-être trop. De quoi en tout cas s’interroger sur la nature de cette réalité alternée.
Alors, selon vous, Ingress, jeu complet ou complot ?