[dropcap size=small]L[/dropcap]e survival horror est un genre particulier au sein de l’industrie vidéo ludique. Souvent inspiré par des légendes, des mythes, ou bien d’œuvres cinématographiques qui en découlent, le survival horror est un véritable puits de culture, et peut faire naître des réflexions profondes chez le joueur, comme il peut être à l’origine de terribles polémiques. Analysons donc ce type de jeu vidéo si particulier.
Un genre bien défini
Avant de nous lancer dans le vif du sujet, il faut le délimiter.
Le survival horror est un genre qui met en scène un personnage, souvent fragile et peu équipé, dans un contexte horrifique. Le joueur doit donc se sortir d’affaire en utilisant son ingéniosité, sa capacité à rationner ses ressources, et souvent ses jambes. Le survival horror emprunte par ailleurs souvent les codes du cinéma d’horreur ou d’angoisse.
Dans cette analyse, nous ne parlerons que des jeux sortis après 1996, année qui marque la sortie du premier Resident Evil, et le début de l’âge d’or du survival horror.
[divider]Le personnage principal[/divider]
Comme dit plus haut, le personnage principal est souvent faible et pas du tout préparé à la situation qu’il va affronter. On y croise des agents de police dépassés (Jill Valentine ou Leon S. Kennedy dans la série Resident Evil), un père de famille ordinaire (Harry Mason dans Silent Hill), ou des adolescentes innocentes (Heather Mason dans Silent Hill 3 ou Miku Hinasaki dans Project Zero).
Le profil du personnage principal est très important dans ce type de jeu. On remarquera par exemple, que dans la série Resident Evil, plus les personnages principaux deviennent forts et aptes à combattre les zombies, que ce soit physiquement ou psychologiquement, plus on s’éloignera du survival horror.
Norman Reedus, qui incarne Daryl dans The Walking Dead, semble avoir été choisi pour incarner le personnage principal du prochain Silent Hill. Avec son côté « badass », il ne correspond pas tout à fait à la vision que l’on se fait du main character d’un survival horror.
Utiliser un personnage qui n’a pas l’étoffe du héros bodybuildé nous place donc dans la peau d’une victime. Et ça déjà, c’est pas rassurant…
[divider]Une arme ? Pour quoi faire ?[/divider]
Souvent, les armes sont limitées, voire absentes. Dans le premier cas, on doit apprendre à rationner nos munitions car la ressource est faible et disséminée dans le jeu. Dans le second cas, l’absence d’arme est souvent un signe de changement de gameplay. Dans Project Zero, le fait de ne disposer que d’un vieil appareil photo donne naissance à des séquences très stressantes. Dans Outlast, l’absence totale d’arme ou de moyen de défense nous force à fuir ou à nous cacher la plupart du temps.
Cette idée de ne pas disposer de moyen de défense renforce le sentiment d’être une victime. Vous ne comprenez pas ce qui se passe, et en plus, vous devez fuir ou vous cacher car vous ne pouvez pas faire face à la menace qui se présente à vous. C’est un aspect intrinsèque du survival horror. Encore une fois, dans la série Resident Evil, plus vous aurez de séquences de gunfight, plus vous vous éloignerez du genre.
[divider]Des environnements glauques et effrayants[/divider]
Expériences qui tournent mal, scientifiques fous, zombies, fantômes etc. sont généralement les méchants de l’histoire. Souvent inspirés de romans, films ou légendes, ils nous aident à sombrer un peu plus dans l’angoisse. Mais nous y reviendrons plus tard.
William Birkin
Avant, j’étais bon en biologie. Mais ça, c’était avant.
Un petit peu d’histoire
Comme nous avons pu le lire plus haut, 1996 est une date clé qui marque le début de l’âge d’or du survival horror. En effet, Resident Evil (1996), sous la direction de Shinji Mikami, réussit par des tours de passe-passe techniques à offrir un jeu beau, effrayant, et farci de références culturelles. Silent Hill (1999), dirigé lui par Keiichiro Toyama (Forbidden Siren), connait lui aussi un grand succès. À partir de ces deux titres, les bases sont posées. On a l’habitude d’opposer Resident Evil et Silent Hill, à juste titre, car les deux jeux utilisent des codes différents : le premier joue plus sur les jumpscares, tandis que le second offre une ambiance glauque et malsaine.
On ne compte plus les jeux qui sortiront entre 1996 et 2004, mais beaucoup rencontreront un succès critique : Dino Crisis (1999), Project Zero (2001) ou encore Forbidden Siren (2003).
Cependant, à partir de 2004, une tendance apparait : le survival horror perd en qualité, ou prend un virage vers l’action/aventure. Silent Hill 4 : The Room (2004) se plante grossièrement, et ne parvient pas à égaler la qualité de ses aînés. Les prochains jeux de la série seront confiés à des studios occidentaux pour essayer de renouveler la franchise, mais sans succès. Du côté de Resident Evil, Shinji Mikami opère un léger virage vers l’action/aventure, et réussit à décrocher de bonnes critiques avec Resident Evil 4 (2005).
Et ensuite, c’est la dégringolade : les Silent Hill sont moyens et les Resident Evil deviennent des jeux d’actions. Quelques jeux arrivent à renouveler le genre, comme Amnesia : The Dark Descent (2010) et Outlast (2013), mais ce ne sont que des « petits » titres, sans gros budget.
Même Shinji Mikami, qui revient avec The Evil Within (2014), se contentera d’un action/aventure/survival horror.
Le salut pourrait venir d’Hideo Kojima (Papa de la série Metal Gear), qui a pris les commandes du prochain Silent Hill, prévu pour 2015.
Des références culturelles à foison
Ici, nous nous pencherons uniquement sur les deux licences phares que sont Resident Evil et Silent Hill, car il serait terriblement difficile de faire une liste exhaustive des différentes références de chaque jeu.
Le survival horror est un genre qui emprunte beaucoup au cinéma d’horreur, mais il est aussi inspiré de légendes et de mythes. Ainsi, les créateurs ne se privent pas d’inclure dans leurs jeux des références plus ou moins explicites.
[divider]Resident Evil[/divider]
Les jeux dirigés par Shinji Mikami ont toujours eu ce côté cinématographique, avec notamment des séquences empruntées au genre de l’horreur, et même parfois à des films complétement différents du survival horror.
Les références cinématographiques sont nombreuses :
– La nuit des morts vivants (1968) de G. Romero
– Nikita (1990) de Luc Besson
– Alien (1979) de Ridley Scott
– The Thing (1982) de John Carpenter pour les transformations épouvantables.
Shinji Mikami est aussi adepte du stéréotype du savant fou, et ses jeux peuvent créer un débat autour de la recherche scientifique et de ses potentielles dérives.
[divider]Silent Hill[/divider]
Intéressons-nous aux Silent Hill développés par la Team Silent, la bande de géniaux Japonais qui dirigera Silent Hill 1, 2, 3 et 4 : The room. Ces jeux ont pour point commun une ambiance glauque et malsaine, qui met le joueur mal à l’aise. Pour cela, quelques ingrédients simples : un brouillard inquiétant, des créatures horribles, et une histoire dérangeante. Mais tout cela, les créateurs ne l’ont pas sorti de leur chapeau magique…
Pour commencer, on se doit de parler de The Mist (1981) de Stephen King, un roman sur une petite ville recouverte d’un épais brouillard. Si cela ne vous rappelle rien…
Les références aux œuvres de Stephen King sont nombreuses dans Silent Hill, des citations jusqu’aux clins d’œil évidents.
Mais les références aux écrivains ne s’arrêtent pas là ! Les noms des rues de Silent Hill sont des noms de célèbres auteurs : Ray Bradbury (Farenheit 451), Richard Matheson (I am Legend) ou encore Dean Koontz (Hell’s Gate) pour ne citer qu’eux.
Si l’on se tourne vers le cinéma, la Team Silent s’est inspirée de L’échelle de Jacob (1990) pour l’ambiance, notamment pendant la scène de l’hôpital.
Mais il existe aussi quelques références plus cachées, notamment la tenue de l’infirmière Lisa Garland, qui ressemble terriblement à celle de l’infirmière dans L’exorciste 3 (1990).
Bien évidemment, il manque des références et ceci n’est pas une liste exhaustive, mais, c’est suffisant pour apprécier un peu plus les jeux vidéos à leur juste valeur.
En ce qui concerne Hideo Kojima, le directeur du futur Silent Hill, on sait qu’il apprécie le cinéma. Snake, le héros de Metal Gear, est un hommage à Snake Plissken, héros de New York 1997 (1981) de John Carpenter, incarné par Kurt Russel.
Pour Silent Hill, il sera accompagné de Guillermo del Toro, réalisateur qui a l’habitude de présenter des ambiances malsaines (Le labyrinthe de Pan).
Des polémiques et des jeux censurés
Les survival horror étant des jeux souvent violents et destinés à un public mature, certaines associations, comme Familles de France, qui comprennent les jeux vidéos comme ma grand-mère, arrivent à faire pression sur les éditeurs et les développeurs, forçant ces derniers à censurer leurs œuvres.
Ce fut le cas pour Silent Hill, qui fut censuré en Europe. En effet, une séquence dans l’école élémentaire de Silent Hill où des enfants zombies apparaissaient fut supprimée.
La plus célèbre polémique autour d’un survival pour son contenu dérangeant est surement celle qui entoure Rule of Rose (2006), et qui a pris des proportions sans commune mesure, allant jusqu’a l’interdiction du jeu au Royaume-Uni. Il est toujours intéressant de se replonger dans ces affaires, car avec le temps, on s’aperçoit que la classe politique est complétement déconnectée de la culture vidéo ludique.
Plus récemment, c’est The Evil Within qui a subi les foudres de la censure… au Japon !
Je ne suis pas pour la censure, car j’estime qu’un jeu vidéo est une œuvre culturelle. Mais j’estime qu’il est nécessaire de ne pas mettre n’importe quels jeux entre les mains de n’importe qui, sans une explication préalable de ce que le jeu contient.
Donc, en tant que geeks intelligents, nous sommes en droit de nous poser quelques questions intéressantes : est-ce que des jeux comme Silent Hill ou The Evil Within doivent être proposés à des enfants de moins de 15-16 ans ? Est-ce qu’ils ont les outils et la culture pour apprécier à sa juste valeur le jeu auquel ils sont en train de jouer ? Est-ce que les hommes politiques devraient allumer une console ou un PC avant de parler de jeux vidéos et de dire des conneries ? Le débat est ouvert…
[…] conséquence d’avoir un impact positif sur le joueur ; en témoigne la ribambelle de jeux horreur/survie à succès, qui maintiennent le joueur dans une situation quasi permanente de stress et […]
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