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Test – Sethian, quand apprendre une langue devient un jeu

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Sethian, un jeu vidéo pour ceux qui aiment jouer avec les mots

 

Nous avons déjà eu l’occasion de le montrer, les langues fictives parsèment les œuvres de fiction, qu’il s’agisse de jeux vidéo comme Skyrim ou Far Cry Primal, de livres comme le Seigneur des Anneaux  ou encore de films comme Avatar ou le Cinquième Élément. Plus qu’un simple élément pour renforcer un univers parfois déjà très dense, le langage devient parfois un élément de gameplay. Mais certains jeux passent au niveau supérieur, en faisant de la langue le jeu lui-même. C’est notamment le cas de Sethian, dont il sera aujourd’hui question. Sorti en novembre 2016, Sethian vous invite à apprendre une langue pour découvrir les plus sombres secrets d’une planète en discutant avec une IA pas toujours très loquace. Peut-on vraiment s’amuser en apprenant une langue ? Nous répondons à cette question, à défaut d’avoir toutes les réponses, dans ce test made in VonGuru.

 

Présentation

 

Sethian est un jeu vidéo sorti sur PC sur la plateforme Steam en novembre 2016, et depuis disponible au prix tout doux de 4.99€. Et pour vous éviter les nombreuses vidéos sur le Gnosticisme séthien sans rapport (ou presque, mais je vous laisserai le découvrir) avec notre jeu renvoyées par YouTube, voici un bref trailer du jeu.

 

 

Et pour ceux qui préfèrent la lecture au visionnage, voici le synopsis qu’en donne son créateur.

 

Long ago, a great and prosperous colony drifted among the far-flung stars of the galaxy. Founded by the savage and treacherous Daedens, it was built on the soil of a terrestrial jewel, with oceans of water and an atmosphere rich with oxygen, still untouched by civilization due to its isolation. But civilization was not brought to the planet, rather, it was the planet that civilized the Daedens. For in time, a new people was born of the colonists, who forfeited the vicious arms of their ancestors for stately wealth.

But as they grew in wealth, prestige, and power, so too were they met with greater threats, both at home and abroad. Rebellion after rebellion, war after war, the colony fell into decline, and in the chaos that ensued, the warp gate that connected it with the rest of civilized space was destroyed, consigning what remained of that planet to the pirates of the deep void. Soon, the echoes of their broadcasts through space grew thin, and people spoke of that colony only as of a memory.

That colony was called…

Sethian

 

Si ce n’est traditionnellement pas la taille qui compte, le prix reste annonciateur : Sethian est un petit jeu sans ambition particulière. Il faut dire que le jeu a été développé par un seul et unique homme, Grant Kunning, programmeur et amateur de linguistique ayant enseigné l’anglais en Chine (informations qui présagent de la suite). Le jeu a été financé par un kickstarter réussi, ayant rapporté un peu plus de 11 000$ sur les 8 000$ initialement demandés. Pour autant, le jeu n’en est pas moins grand par bien des aspects.

 

Gameplay

 

Nous commencerons notre test par une petite citation qui n’aura jamais eu autant de sens.

 

The pen is mightier than the sword.

 

Pourtant, ce n’était pas évident. Lorsque vous lancez le jeu, une première chose nous frappe. Graphiquement, l’interface est très minimaliste, voire hostile à première vue. En effet, la seule interaction à votre disposition sera la manipulation de cet étrange clavier, à la disposition a priori peu transparente et aux symboles bien mystiques, surtout lorsque l’on navigue dans les pages suivantes (oui oui, il y a des pages). Vous êtes à ce titre logé à la même enseigne que le personnage que vous incarnez, à savoir un archéologue qui découvre une ancienne colonie quelques centaines d’années plus tard, avec comme seule arme un ordinateur, vestige de cette civilisation éteinte dont vous souhaitez tout découvrir, et un petit carnet avec quelques gribouillages de votre collègue linguiste.

 

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Ce carnet sera en effet un allié de choix face à un début de jeu qui peut sembler particulièrement ardu. En effet, il vous permettra de décrypter les premiers symboles et de commencer tant bien que mal à interagir avec l’étrange ordinateur. Ce carnet vous guidera un long moment, et deviendra au fil des échanges un mémo très utile, votre dictionnaire bilingue de poche dans lequel vous repiochez ce dont vous avez besoin. Ce carnet, si vous le suivez, vous donne la trame principale du jeu. Si vous ne vous écartez pas du chemin qu’il dessine (nous ne le qualifierons ni de droit ni de tortueux), on finit le jeu en moins de deux heures. Autant vous dire que le jeu paraît alors bien court, malgré la satisfaction d’avoir appris une langue. Car au bout de ces deux heures, vous aurez l’impression de pouvoir baragouiner (à l’écrit) en sethian.

Mais les plus passionnés et curieux d’entre vous ne seront pas pleinement satisfaits, que ce soit par la durée de jeu clairement très faible à ce stade, ou par les énormes trous que ces échanges auront laissés dans l’histoire de Sethian comme dans votre carnet (les définitions et traductions ne s’ajoutant que lorsque vous les rencontrez). Ce sera alors à vous de creuser un peu la chose. Car si le carnet vous propose une marche à suivre, libre à vous de divaguer et de poser davantage de questions à l’IA derrière l’écran. Libre à vous, ou presque. Car à certains moments, on se retrouve bloqué si l’on ne pose pas la bonne question au bon moment. L’unique développeur du jeu justifie cela par le besoin de contextualisation : pour que l’IA déclenche à certains moments les réponses nécessaires à l’avancée du jeu, sans pour autant sauter certains passages cruciaux, il faut qu’il ait reconnu les bonnes questions au préalable. Vous serez donc amenés à certains moments à suivre bêtement les questions suggérées par le carnet pour ne pas vous retrouver éternellement face à un « Je ne comprends pas » qui peut vite devenir frustrant.

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La difficulté principale du jeu résidera dans la maîtrise de la langue, qui sera votre meilleure alliée mais aussi votre pire ennemie dans les échanges qui se profilent. L’IA ne sera par ailleurs pas toujours des plus accessibles, son discours étant parfois aussi crypté que les symboles qui le représentent. Patience et réflexion (et papier/stylo pour prendre des notes) seront donc de la partie pour explorer comme il se doit ce monde que le développeur qualifie d’ouvert.

Notons que l’ambiance sonore est sympa mais qu’elle n’est clairement pas inoubliable. Difficile par ailleurs de parler de game level ou de character design, puisque l’on parle ici essentiellement d’une langue, à moins de considérer la langue comme un personnage.

 

Langue fictive

 

Je ne pouvais évidemment pas parler d’un jeu sur et avec une langue fictive sans parler de la langue elle-même. Bien sûr, je ne vais pas entrer dans le détail. La langue étant au cœur du gameplay, je ne peux pas trop en dire au risque de vous gâcher l’expérience. Le sethian ne fera donc a priori pas l’objet d’un article à part entière. Cela étant, cette langue offre quelques réflexions et propositions linguistiques intéressantes, sur lesquelles je vais revenir brièvement, sans vous spoiler le cœur du jeu.

D’un point de vue concret, le sethian est une langue écrite, sur la base de 100 symboles, s’inspirant du système chinois. Le sethian n’est a priori pas parlé ou du moins, cet aspect-là n’est pas du tout évoqué, puisque le lexique dont on dispose ne propose qu’une traduction des symboles vers l’anglais, mais pas de romanisation intermédiaire. Notons que le sethian ne dispose pas de flexion ou de déclinaison. Ici, ce qui vous indique le rôle de l’élément, c’est la ponctuation et la position du symbole dans la phrase. Cela offre une prise en main du jeu et de la langue aisée dans un premier temps, mais ça se révèle vite compliqué lorsque les phrases deviennent complexes, avec des propositions subordonnées etc.

 

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À l’image du Dothraki, le sethian fait dans l’image, presque dans le poétique : on pourra ainsi citer la périphrase high place pour signifier le verbe comprendre, la différence sémantique forte entre signifier et être, ou encore le doublement de certains mots pour marquer le pluriel (je je pour nouspersonne personne pour les gens, peuple). De même, comme nous l’évoquions pour le Dothraki, il n’y a pas de mots pour tout puisque tout ne fait pas l’objet de discussions dans cette langue.

Malgré une apparente difficulté, le sethian n’est pas complètement impénétrable. Ainsi, certaines choses seront familières, notamment si vous êtes familiers de l’anglais. Je pourrais citer à cet égard l’ordre des mots ou la possibilité d’utiliser les mots comme verbe ou comme nom de façon quasi indifférenciée, à l’image de formes anglaises comme dance ou walk.

Si vous souhaitez en apprendre davantage sur cette langue, je ne peux que vous recommander de lire ce qu’en dit son créateur, mais surtout de jouer à Sethian.

 

Conclusion

 

Pour ceux qui aiment les petits jeux de réflexion à tout aussi petit prix, Sethian est clairement un bon choix. Il saura charmer par son approche originale, et par un gameplay relativement efficace, même si celui-ci n’est pas parfait (et fort limité, il faut le reconnaître). Il est cependant relativement court, ce qui explique son prix.

Le point fort du jeu est sans nul doute sa pédagogie. Sethian est en effet capable de rendre ludique et facile l’apprentissage d’une langue fictive. En moins de deux heures, on se sent relativement à l’aise avec une partie du vocabulaire et on est capable de formuler quelques phrases basiques. Évidemment, la structure elle-même de la langue est simplifiée par rapport à d’autres langues, mais le jeu reste néanmoins une bonne entrée en matière dans l’apprentissage des langues, fictives ou non.

Sethian est sans l’ombre d’un doute un jeu à tester si vous avez un peu de temps et de curiosité à revendre !

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