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Le Divinian, langue fictive ?

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Moeurs et pratiques du Geek : le Divinian

 

[dropcap size=small]E[/dropcap]t si l’envie vous prenait d’apprendre le Divinian ?

Si, à cette première question, vous répondez par une autre question, qui serait de l’ordre de « Qu’est-ce qu’une langue fictive ? », je vous recommanderais chaudement de parcourir le premier volet de cette chronique, consacré au Quenya, et dans lequel je prends le temps de définir selon mes termes cette notion de langue fictive.

Néanmoins, pas besoin d’une explication complète pour affirmer ce qui va suivre : il n’est pas rare qu’un univers fictif se compose, outre de personnages et de lieux particuliers, spécifiques et parfois créés spécialement pour cet univers, de langues créées pour l’occasion. Ces langues, qui apportent très souvent cette petite pointe d’exotisme qui nous fait rêver, viennent surtout compléter l’ancrage de ces univers fictifs, les rendant plus crédibles et incroyablement plus riches. Et si nous nous plongions dans ces univers, parmi nos préférés, en apprenant leur langue ? C’est du moins ce que j’ai fait pour vous, en quatre semaines top chrono ! Bien sûr, il ne s’agira pas d’un cours de langue de ma part, mais plutôt d’une approche des différentes langues fictives qui peuvent exister, en s’intéressant à l’univers dans lequel elles s’inscrivent et à leur apprentissage.

Nous vous présentions hier quelques uns de nos films de Noël préférés. Le vôtre n’était peut-être pas dans la liste. Peut-être préférez-vous des films comme celui qui va nous intéresser dans cet article, où il est question d’extraterrestre ancestral et dangereux, dont on ignore tout, qui parle une langue complètement inconnue et incompréhensible, sur fond de gros affreux méchants et de fin du monde planétaire ? Et oui, comme vous vous en doutez, nous allons parler du film Le Cinquième Élément, et plus précisément de la célèbre Leeloo Dallas (mouuultipass), et plus précisément du Divinian, ou Divine Language, parlé par Leeloo et les Mondoshawans au début du film. Et bientôt par vous.

 

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« Cleek Ansilan Deo Tokemata » – Cleek apprend le Divinian

Les origines du Divinian

 

Si Le Cinquième Élément fait partie de vos grands classiques, alors je n’ai nul besoin de vous présenter la mythique Leeloo, ou Leeloominai Lekatariba Laminatchai Ekbat De Sebat de son vrai nom. Interprétée par Milla Jovovich, la jeune femme aux cheveux roux n’est autre qu’une Mondoshawan reconstituée à partir d’une main retrouvée dans les décombres d’un vaisseau écrasé, en l’an 2263. Mais passons outre les détails. Si son entrée en scène a été des plus spectaculaires de par la tenue vestimentaire aussi moderne que limitée que l’extraterrestre arborait, ses premiers mots ont été tout aussi impressionnants.

 

Ouacra cocha o dayodomo binay ouacra
mo cocha ferji akba ligounai makta keratapla.
Tokemata tokemata ! Seno santonoi-aypa !
Minoi ay Cheba ! Givomana seno!

Extrait du script du film Le Cinquième Élément, 1995

 

Cette première tirade prononcée par Leeloo/Milla illustre à elle seule ce qui caractérise ce langage : mystère, musicalité, complexité… Cette langue, objet de quelques gags tout au long du film, est connue sous diverses appellations : langue des anciens, langue divine, Divinian (nom que nous utiliserons désormais pour plus de simplicité)… Objet à part entière dans l’intrigue du film et de l’ouvrage qui en a découlé sous la plume de Terry Bisson, le Divinian a été créé spécialement pour Le Cinquième Élément.

Toutes les sources s’accordent pour dire que le Divinian serait le fruit d’une collaboration entre Luc Besson et Milla Jovovich eux-même. Le réalisateur aurait ébauché la langue, que l’actrice se serait chargée de développer. On dit même que tout le tournage durant, ils auraient échangé des courriers en Divinian et auraient parlé dans cette même langue, au point de devenir bilingue. Cela n’aurait posé aucun problème à l ‘actrice qui maîtrisait déjà quatre langues, rien que ça. Syntaxe, prononciation, vocabulaire, tout a été pensé, et entre 400 et 800 mots auraient ainsi été créés. Seuls 150 de ces mots environ furent publiés dans l’ouvrage que Luc Besson écrit sur le film, The Story of the Fifth Element. Décrite et enrichie par T. Leah Fehr, poète canadienne, la langue (dans son extension non-officielle) compte désormais pas moins de 6 000 mots.

 

 

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Si les origines extra-diégétiques du Divinian ne sont pas très claires, n’ayant pas eu la possibilité de me procurer l’ouvrage de Besson, son histoire intra-diégétique (dans l’univers du Cinquième Élément, donc) nous semblent en tout cas très précisément décrites par T. Leah Fehr. L’auteur nous indique en effet sur son site que le Divinian est considéré comme étant la langue dont seraient issues l’ensemble des langues humaines, ce qui expliquerait que ça ressemblerait à un mélange d’un très grand nombre de langues, allant du français au japonais en passant par exemple par l’araméen ou encore l’anglais. Le Divinian serait aussi très proche d’une langue dont il est fait référence sous le nom de Trade Tongue One, version pervertie de la langue de feu la First Race dont on ne nous dit pas grand chose, mais qui semble justifier le qualificatif « divine » que l’on associe à la langue.

Cette langue peut être parlée par tout être respirant de l’air, nous est-il expliqué, même si son apprentissage sera particulièrement ardu pour tout être qui ne serait pas le Cinquième Élément, une Diva, un Mondo-shawan ou appartenant à une espèce capable de changer d’apparence. L’aptitude d’apprentissage du Divinian serait en effet lié, par un calcul assez savant que je ne décrirai pas ici, au QI de l’apprenant. Nous autres humains serions donc désavantagés. Nous serions cependant en mesure de prononcer sans trop de difficulté les différents sons de la langue, représentés par un total de 78 « lettres », dont on nous dit qu’elles ressemblent davantage à des notes de musique pour nous autres humains. Comme si tout cela n’était pas assez compliqué, sachez par ailleurs que le Divinian s’écrit en sept couleurs différentes, chaque couleur étant associé à une catégorie de lettres, le noir étant consacré à la ponctuation.

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L’apprentissage du Divinian

 

Bien qu’impressionnant à première vue, le Divinian n’est pas si mystique qu’il en a l’air. Avec une syntaxe et une grammaire qui nous sont familières, et les ressources particulièrement complètes à notre disposition, son apprentissage ne pose aucune réelle difficulté, comme vous allez le voir.

 

La liste des courses

 

La liste des sites et ressources à consulter pour apprendre le Divinian sera particulièrement courte. Pas de cours Memrise ou autre pour cette fois-ci. Je n’ai que deux adresses à vous recommander, l’une étant particulièrement centrale, la seconde n’étant qu’une petite mise en bouche.

Le site de T. Leah Fehr est bien évidemment « THE place to learn » le Divinian. Il regroupe toutes les ressources possibles, en allant du script du film pour s’entraîner aux dictionnaires anglais-Divinian/Divinian-anglais, en passant par le livre écrit par Fehr traitant tous les aspects linguistiques possibles du Divinian. Ce site vous offre toutes les clés nécessaires à l’apprentissage de la langue.

Si vous ne souhaitez que vous mouillez les orteils dans l’océan qu’est le Divinian, vous pouvez aussi commencer par explorer ce site français dédié au Cinquième Élément qui propose un petit lexique Divinian-français parfait pour s’initier doucement mais surement à la langue. Attention cependant, si vous souhaitez produire de vraies phrases, rien ne vaut les dictionnaires de Fehr qui ont le mérite de proposer les formes fléchies (comprendre conjuguées) des verbes, ce qui permet un discours un peu plus cohérent sans devoir tout de suite se plonger dans les aspects grammaticaux plus complexes.

Je ne peux bien sûr que vous recommander de garder YouTube voire le film à proximité pour entraîner votre oreille et votre maîtrise en contexte réel de la langue.

 

L’apprentissage du Divinian

 

Les quelques extraits de Divinian que l’on peut lire ou entendre peuvent effrayer l’apprenant que vous êtes. Heureusement pour nous, la syntaxe est globalement semblable à celle de l’anglais, ou du français en l’occurrence, à base de sujet et de prédicat (ou verbe). Elle suit l’ordre Sujet-Verbe-Objet que nous utilisons au quotidien, à l’image de la phrase Robert skrivén y’am mechtaba, que l’on traduirait par Robert écrit un livre, Robert étant, vous l’aurez sans doute compris, le sujet, shrivén le verbe à la troisième personne du singulier, et y’am mechtaba le complément d’objet direct de écrire.  Il existe une petite différence notable en ce qui concerne la négation, pour laquelle on distingue deux cas de figure : le suffixe –, généralement placé sur le verbe ou sur un mot en fin de phrase pour traduire l’utilisation du « ne…pas » en français, et le préfixe mu’- pour traduire l’utilisation d’un affixe à valeur négative. On dira donc Sen chay chtamantné pour dire il n’était pas compris et Sen chay mu’chtamant dire il était incompris.

Je soulignais précédemment que la syntaxe du Divinian était proche de celle de l’anglais et du français. Sachez qu’elle est davantage semblable à la syntaxe du français, et que vous ne serez guère perdu. Le Divinian est finalement relativement classique dans sa grammaire. Il ne compte que du singulier ou du pluriel, et distingue les noms communs sur leur caractère comptable ou massique, ainsi que les articles définis et indéfinis. Il possède un système casuel relativement réduit, composé du nominatif, pour marquer le sujet et l’objet, et du génitif, pour marquer la possession. La conjugaison est très proche de la conjugaison anglaise, avec les principaux temps que l’on connaît, présent, passé simple, passé composé, futur, et tous les modes traditionnels comme l’indicatif, le conditionnel et le subjonctif.

 

 

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Le plus délicat reste donc l’acquisition du vocabulaire et la maîtrise des nuances phonologiques. Tous deux demanderont de la patience et de la rigueur, mais leur apprentissage n’est pas insurmontable. En ce qui concerne le vocabulaire, on remarquera que certaines familles de mots se démarquent, à l’image des familles dérivationnelles que l’on connaît en français, puisque l’existence d’affixes permet la création de plusieurs mots sur une même base, à l’image de afrilfelset, felset, felsetz et eto’felseto qui se traduisent respectivement par destruction, détruire, destructeur (le nom commun ici) et de façon destructive. Pour l’aspect phonologique, sachez être humble au début de votre apprentissage. Le Divinian se parle normalement assez (voire très) rapidement, mais prenez le temps de réfléchir à votre intonation et à la place des différentes lettres dans le mot et la phrase, placement qui joue un rôle crucial dans leur prononciation.

Bien que l’existence d’un système d’écriture propre au Divinian ait été évoquée, je n’en ai retrouvé aucune trace concrète, et je ne pourrais donc pas vous en dire davantage. L’alphabet latin suffit amplement pour retranscrire cette langue, et il y a de toute façon bien assez de choses à apprendre pour s’inquiéter d’un alphabet de type musical.

 

Conclusion

 

Le Divinian est une langue à la portée de tous pour peu que l’on sache y mettre le temps et les efforts. C’est une langue particulièrement bien renseignée, et que l’on peut rapidement pratiquer grâce à son vocabulaire assez varié et sa grammaire abordable. C’est une langue aussi exotique que poétique, à lire comme à parler ou à écouter, et il est très satisfaisant de prononcer ses premières phrases. Je ne peux que recommander l’apprentissage de cette langue, qui parfera votre prochain cosplay de Leeloo. Bien sûr, si vous n’alliez pas au bout de cet apprentissage, il vous restera toujours le fameux Leeloo Dallas Muuultipass !

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