1984 : l’adaptation du livre de George Orwell au théâtre Playhouse à Londres

 

L’adaptation du roman 1984 de George Orwell est de retour sur les planches dans une nouvelle adaptation réalisée par Robert Icke et Duncan Macmillan. Alors que cette mise en scène a d’abord été réalsée en 2013, elle a effectué une tournée internationale et a fini par revenir à Londres au Playhouse Theatre. Publiée en 1949, l’oeuvre 1984 est toujours autant d’actualité, et tout aussi pertinente, même en 2016. C’est un livre référence en matière de roman d’anticipation, qui a donné naissance à la notion de Big Brother, une métaphore des régimes totalitaires et policiers, à la surveillance sans limite ainsi qu’à la mort de la Liberté.

C’est un livre qui donne à réfléchir ; à réfléchir sérieusement. Si 1984 était un livre d’anticipation, dans quelle classe devons-nous le ranger de nos jours ? Lorsque nos villes sont toutes surveillées par des caméras ? Que nos faits et gestes sur internet sont tous renseignés quelque part ? Le succès de la pièce montre bien la résonance qu’ont ces thèmes avec nos préoccupations les plus contemporaines, 1984 ayant au moins autant de pertinence aujourd’hui qu’il en avait quand Orwell l’imagina. Après avoir lu ce livre il y a quelques temps déjà, j’ai eu la chance d’assister à une représentation de l’adaptation de Robert Icke et Duncan Macmillan et je vais vous en parler aujourd’hui.

 

[divider]Big Brother is watching you[/divider]

 

1984 se déroule à Londres, capitale de la première région aérienne de l’Océania, puissance mondiale se partageant la planète avec l’Eurasia et l’Estasia. Ces trois empires sont constamment en guerre. Océania a connu plusieurs révolutions depuis 30 ans dont un conflit atomique. Ce super-continent vit sous une dictature dirigée par Le Parti, qui est unique et est commandé par un chef invisible dont les portraits sont partout : Big Brother. Ce dernier surveille cependant les moindres faits et gestes de chacun, d’où le slogan « Big Brother is watching you !», un slogan qui a lui tout seul symbolise le régime. Trois autres slogans régissent cet univers : « La guerre c’est la paix », « La liberté c’est l’esclavage », « L’ignorance c’est la force ». Quatre ministères structurent ce gouvernement : Vérité, Paix, Amour, Abondance. De son côté, la population est répartie en trois classes : le Parti intérieur (les dirigeants), le Parti extérieur (les subalternes) et les prolétaires (les ouvriers et les travailleurs).

Winston Smith est le personnage principal de 1984. Il travaille au ministère de la Vérité et il a pour tâche de retoucher les journaux déjà parus pour corriger les erreurs du Parti ou de son leader, Big Brother. Sachez que le Parti ne se trompe jamais… Une fois l’Histoire réécrite, les erreurs ayant été gommées, on a donc la certitude qu’elles n’ont jamais existé. Le roman se déroule en trois temps : la lente marginalisation de Winston, qui devient progressivement « criminel par la pensée », puis « rebelle aux politiques du Parti », en osant une aventure amoureuse avec une jeune femme, Julia. Winston Smith et Julia tentent de s’aimer, mais cette forme de résistance se heurte à l’énigmatique O’Brien, l’un des espions du régime auquel Winston pense pouvoir pourtant se fier.  Finalement Winston est arrêté et torturé dans la troisième phase, avant d’être remis en liberté, totalement brisé.

 

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[divider]Une adaptation fidèle[/divider]

 

L’adaptation mise en scène au Playhouse Theatre respecte les trois phases du livre et nous offre un décor fidèle à l’ambiance de l’oeuvre originale. Il faut souligner le jeu d’acteurs, très bon selon moi, conformément à ce qu’on peut attendre d’une scène assez réputée. Je précise que la pièce est entièrement en anglais et qu’il m’a été extrêmement facile de tout comprendre, sans aucun problème, ce qui met en valeur la qualité d’articulation et la clarté de la voix des interprètes. Il s’agissait de ma toute première pièce de théâtre, et je n’ai absolument pas été déçue. Il ne s’agit pas ici d’une adaptation qui revisite et réinvente l’oeuvre. Ce n’est pas une pièce qui dénature le livre, bien au contraire. Elle est extrêmement fidèle, même si l’on peut tout de même avouer que beaucoup de passages ont été zappés au profit d’une mise en scène très spectaculaire. Un jeu entre acteurs et écran se met en place puisque certaines scènes se déroulent dans une pièce en dehors de la scène elle-même, retranscrite au public via un écran central. De ce fait, les actions sont transposées dans des lieux différents, sans même avoir à bouger ou presque (pour les acteurs). L’autre pièce par exemple, celle que nous n’avons pas sur scène, est la fameuse chambre où se retrouvent Julia et Winston en cachette. C’est une idée assez géniale, puisque cela donne l’impression que NOUS sommes Big Brother. Nous les observons, en secret et en silence. Chapeau donc, pour cette mise en scène.

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Le fameux journal intime écrit Winston est également visible via ce même écran, et c’est une idée de mise en scène que j’ai beaucoup appréciée. La pièce ne dure que 1h45 sans entracte, ce qui est assez court quand on y pense. Cette adaptation n’est pas bâclée, elle a été minutieusement préparée et des choix ont été faits. Certaines scènes marquantes du livre, tout du moins pour moi, ne s’y trouvaient pas, d’autres oui. La troisième phase en revanche était assez dérangeante. Les scènes de tortures étaient insoutenables dans le livre. Je me rappelais de chaque torture, de leur ordre, de la réaction de Winston, de ses pensées, de tout. Dans la pièce, on ne grince pas des dents alors que cette fois-ci, tout se passe sous nos yeux, et plus dans notre tête. L’empathie que j’avais éprouvé pour Winston était moindre au théâtre, probablement parce que je n’étais pas dans sa tête, cette fois-ci. Comme quoi, il n’y a rien de mieux que l’imagination, la distanciation opérée par la représentation théâtrale étant naturellement plus importante encore qu’au cinéma, où la caméra nous rapproche des personnages. Le retour de Winston dans la vie de tous les jours est également très rapide et bien moins psychologique que dans le livre, bien que la scène de la terrasse (les lecteurs du roman comprendront) soit bel et bien présente.

 

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[divider]Casting[/divider]

 

Côtés acteurs, nous y retrouvons Andrew Gower  qui fait ses débuts en tant que Winston, aux côtés de Rosie Ede comme Mme Parsons. La distribution comprend également Joshua Higgott dans le rôle de Syme, Richard Katz  pour Charrington, Anthony O’Donnell comme Parsons, Daniel Rabin pour le rôle de Martin, Catrin Stewart pour Julia et Angus Wright qui prête ses traits à O’Brien. L’enfant est quant à lui interprété par plusieurs actrices :  Eve Benioff Salama, Cleopatra Dickens, Amber Fernee et India Fowler.

Si tous les personnages m’ont convaincue et étaient fidèles à l’idée que je m’en étais faite, ce n’était pas le cas pour Winston, porté ici par Andrew Gower. J’imaginais un homme assez trapu, fort, peut-être même un petit peu enrobé. Une personne à l’esprit tourmenté mais vif avec un regard qui parle pour lui, puisqu’en effet, le personnage n’est pas loquace. Bref une image avec laquelle Gower est loin de coller, et qui a pu gêner mon identification.

 

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[divider]Conclusion[/divider]

 

Si vous êtes de passage à Londres et que vous aimez le théâtre, ou tout simplement le livre de George Orwell, je ne peux que vous conseillez d’aller assister à une représentation. Et si vous n’avez jamais lu 1984 alors, il n’est pas trop tard ! Je vous promets même une petite dépression voire une crise existentielle une fois le roman achevé. Pour terminer, je dirais que oui, il m’a fallu 23 ans pour me rendre au théâtre, mais que j’y retournerais volontiers ! C’est un art qui semble se perdre, surtout pour notre génération peu habituée. Et pourtant, le théâtre est tellement plus vivant, dynamique et stimulant qu’un film. Il ne s’agit que de mon avis, mais le théâtre me paraît bien plus vivant et concret qu’un film projeté au cinéma ou sur notre télévision. C’est une ambiance différente, palpable, qui se déroule en vrai sous nos yeux. N’hésitez donc plus, parce que le théâtre, c’est génial !