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Cinéma, jeux vidéo : l’éternel débat sur la violence #2

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La violence visuelle : causes, enjeux et revendications

 

Les jeux vidéo, actuellement reconnus par une majorité de personnes, semblent s’être inscrits aujourd’hui dans la culture populaire, jusqu’à devenir cet extraordinaire vecteur d’expression (presque) aussi salué que ses pairs littéraire et cinématographique que l’on appelle le dixième art. Tour à tour source d’innovation créatrice, technique, stratégique ou parfois encore philosophique, le genre du jeu vidéo regroupe quelques constantes bien connues, et néanmoins ancestrales : ainsi, les notions de vie, de mort, de challenge ou de compétitivité sont autant de paramètres mis en exergue dans le but de renforcer toujours plus l’interaction primordiale entre le joueur et le support vidéoludique. Mais rentrons désormais dans le vif du sujet…

Déjà source de polémiques diverses et variées, la violence (qui exista bien sûr sous d’autres formes artistiques) s’invita bien évidemment dans la sphère du jeu vidéo, posant une nouvelle fois de nombreuses questions quant à sa légitimité et à sa réelle utilité IG (in game). Quoi qu’il en soit, la violence demeure un sujet qui aujourd’hui divise et choque autant qu’il fascine, sa mise en scène plus ou moins franche dans le contexte vidéoludique soulevant à nouveau ces mêmes sempiternelles questions auxquelles il serait délicat de répondre clairement. Néanmoins, et de par la récurrence des débats orientés autour d’elle, la violence débarque aujourd’hui chez Cleek, où nous tenterons de vous la présenter dans ce premier numéro, au travers d’un panel d’œuvres diverses et variées, afin d’en décrypter à notre façon les différentes causes, enjeux et revendications.

 

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Nous avions abordé quelques concepts autour de la violence visuelle dans le premier numéro de la semaine passée. Je vous conseille d’ailleurs de retourner y jeter un œil, afin d’avoir une perspective plus globale du sujet. Il avait donc été question de voir si la violence était plus (ou moins) tolérable en fonction du rôle de celui qui la regarde (en fonction de si vous êtes spectateur, joueur…) mais aussi de voir, au travers d’exemples radicaux, s’il était possible de défendre une violence « utile ». Cleek continue aujourd’hui dans cette lignée.

En optant donc pour la tendance qui voudrait qu’une violence, aussi extrême soit-elle, puisse être utile, il reste enfin à voir en quoi elle pourrait l’être réellement. Ainsi, si l’on replonge dans les jeux vidéo, certaines scènes mettant en avant des scènes de violences sexuelles ont eu, elles aussi, leur lot de répercussions négatives. Cela a été le cas notamment pour le jeu Rules of Rose, accusé arbitrairement de faire « un appel à la violence, à la mort, au viol », selon les députés Bernard Depierre, Jacques Remiller et Lionnel Luca.

 

« Demandons-nous simplement comment un enfant ou un adolescent complètement immergé pendant des heures chaque jour, dans un monde virtuel fait de violence gratuite, de meurtre, de torture, sort-il du jeu ? Est-il encore apte à distinguer le réel du virtuel ? Le tolérable de l’inacceptable ? »

 

Cleek-images-rules of rose

 

 

Si le jeu présentait bel et bien une ambiance glauque et pesante, à la manière de la saga Silent Hill, le jeu n’était toutefois pas coupable du caractère nazi qu’on lui a reproché, ni d’une quelconque apologie du viol ou de la maltraitance envers les enfants. À la base de cette polémique, une critique du jeu diffusée sur Panorama, dont le titre racoleur avait suffi à mettre le feu aux poudres, et ce, sans réel motif valable. Enfin, plus récemment, c’était au tour de Tomb Raider d’être sous le feu des projecteurs, à cause d’une scène de tentative de viol sur l’héroïne. Là encore, beaucoup de bruit pour pas grand chose, et si certains joueurs y ont vu une sorte de misogynie latente, les producteurs du jeu ont tenu à rectifier le tir en justifiant que cette scène faisait partie intégrante de l’histoire de la jeune Lara Croft, qui fait l’objet de cet opus de la licence. D’autres enfin, ont perçu cette scène comme une épreuve difficile que traversait l’héroïne, mettant en lumière les cas de violence sexuelles encore bien trop omniprésents à l’heure actuelle. Lara Croft « presque » violée dénoncerait donc tout cela, en indiquant implicitement que cela n’arrive pas qu’aux autres. Entre la tendance visant à juger une scène comme déplacée, gratuite, ou encore utile et même fortement bienvenue par ce qu’elle dénonce, il n’y a donc qu’un pas, et chaque œuvre mettant en scène une violence, quelle qu’elle soit, pose la question du pourquoi, influant donc sur la manière dont cette dernière sera perçue.

Cleek-images-LaraCroft

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[divider]Des bourreaux et des victimes[/divider]

 

Prenons, pour finir, deux cas d’œuvres violentes que sont Elephant (film de Gus Van Sant) et le récent jeu vidéo Hatred qui s’était attiré les foudres du web. Nous nous retrouvons là encore face à des différences de perception. La première œuvre, Elephant, mettant en scène la préparation d’une fusillade dans un lycée, avait reçu des très bonnes critiques de la part du public et avait reçu la Palme d’Or à Cannes (eh oui, quand même). Le film, pourtant tourné du point de vue de plusieurs protagonistes, dont le tueur, a fasciné autant qu’il a choqué, et fut utilisé peu après comme argument de « campagne » contre la violence, et montré à ce titre à des centaines de classes de collège. On reprend le principe des campagnes de sensibilisation au tabac, ou à la sécurité routière : pour prendre conscience des enjeux, rien de tel qu’un bon exemple pour effrayer, et avertir des risques.

 

Cleek-images-Elephant

 

Le film mettait aussi en exergue le fait qu’un bourreau, comme celui de la fusillade, n’était peut-être rien d’autre que la victime d’une société malade, dont l’oppression et les normes tuent parfois, indirectement. Cette mise en lumière des bourreaux qui sont parfois aussi des victimes fait donc écho dans les deux sens, que l’on se place du côté des tués, ou du meurtrier. Nous retrouvons également ceci dans le rituel Aiwaïle des Yaos dans l’œuvre littéraire Le Cycle de Tschaï, où la société consent à ce qu’un individu, se sentant honteux ou humilié, entame un massacre où il doit tuer le plus de gens possible, sans distinction, aboutissant à ce qu’il se soumette lui-même au supplice après. Le même genre de concept avait d’ailleurs été exploité dans le film American Nightmare, où le gouvernement instaure une période de 12 heures par an au cours desquelles tout crime demeurera impuni.

Et plus récemment, c’est au travers du jeu vidéo Hatred que l’argument a été de nouveau employé, sans rencontrer cette fois de réel engouement. Car Hatred, présentant l’investigateur d’un massacre dans un triptyque de couleurs noir, blanc et rouge, ne fait aucune concession sur la violence qu’elle met en scène. Le sang fuse, les innocents succombent, et le film véhicule une véritable sensation de haine, là où Elephant jouait de manière très réaliste sur le côté inéluctable du drame. Mais là encore, pour Hatred, vous êtes acteurs, et non passifs, et c’est à vous que revient le coup de sang. Le jeu, accusé de toutes part d’être une apologie de la violence et du nazisme (par rapport à des propos douteux tenus par des membres du studio) est-il donc ce condensé de haine dont on l’accuse ? Le bourreau de Hatred n’est-il pas, lui aussi, le sujet déviant d’une société gangrenée et si oui, peut-on justifier le propos de la sorte ?

Si cet article ne prétendait pas fournir une réponse à la question de la légitimité de la violence, nous espérons toutefois qu’elle a pu soulever quelques angles de visions judicieux à sa réflexion, pour l’appréhender de la manière la plus objective possible. Et vous, question violence, où se posent vos limites ?

 

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