La Boîte à Musique : analyse du thème Time – Inception

Bonjour à tous et bienvenue dans le cinquième numéro de votre chronique musicale sur Cleek. Vous l’aurez compris, il sera question ici de musique, et plus particulièrement des musiques qui ont bercé et qui continuent de bercer l’univers geek, qu’il s’agisse de jeux vidéo, de films ou d’animés. Le format de cette chronique pourra varier d’un numéro à l’autre selon les musiques qui vous seront proposées. Présentations, analyses, extraits de partitions seront autant d’éléments que vous pourrez retrouver dans la boîte à musique de Cleek. Et puisque nous parlons ici de musique, je vous propose de découvrir à la fin de chaque numéro de cette chronique une petite cover « fait maison » d’un thème emblématique de l’univers geek.

Côté chroniques, vous avez pu ce mois-ci profiter d’une analyse du film « Scott Pilgrim » avant de découvrir une nouvelle facette des USA autour d’une chronique basée sur Las Vegas. Enfin, pour les gourmands, encore un peu de patience puisque la chronique autour du Speed Cooking arrivera bientôt ! Cette semaine, après avoir exploré les musiques de Final FantasyGame of Thrones, et League of Legends, ainsi que les tubes de la musique rétro-geek, je vous propose de plonger aujourd’hui dans une présentation analytique d’un type de musique en particulier : la musique épique. Qu’il s’agisse de jeux vidéo ou de cinéma, ce registre de musique est bien évidemment omniprésent à l’heure actuelle, et fait partie de ces œuvres qui marquent l’auditeur, renforçant ainsi l’identité du jeu/film qui la diffuse. Et pour aborder les recettes de base de la musique épique, quoi de mieux que de découvrir, ou redécouvrir une des œuvres phares du maître en la matière, Hans Zimmer, et de son thème principal du film Inception (Christopher Nolan). Lancez-donc la toupie, tournoyez, et plongez dans l’analyse-ception !

 

inception

 

[divider]Présentation[/divider]

 

Inception, sorti dans le courant de l’été 2010, et réalisé par Christopher Nolan, a été l’un des films de science-fiction les plus attendus de cette année, qui plus est lorsque l’on connaît la renommée du réalisateur qui en avait fait rêver plus d’un lors de films tels que sa trilogie Batman, ou encore Memento ou Le Prestige. Le film rencontra à cette occasion un accueil plutôt enthousiaste de la part du public, qui salua alors la richesse de son scénario, du jeu de ses acteurs, mais aussi de la bande originale du film, composée par Hans Zimmer, dont Nolan réclame la plupart du temps les services pour ses longs-métrages. La musique d’Inception est donc l’une des grandes valeurs ajoutées au film, et met en avant une musique électro/orchestrale accompagnant à la perfection le propos du film. Le thème principal, quant à lui, intitulé « Time », a véritablement conquis le cœur du public. C’est donc tout naturellement que ce morceau servira aujourd’hui d’exemple pour parler de la musique épique et des ses recettes de construction.

 

[divider]Analyse[/divider]

 

Il est vrai que lorsqu’on pense à de la musique épique, on pourrait plutôt penser à des morceaux orchestraux, dynamiques et tonitruants tels que celui-ci, ou encore celui-là. Néanmoins, Hans Zimmer a su, au fil de ses créations, introduire dans le genre un « nouveau » style de musique regroupant beaucoup de caractéristiques du genre épique. Le thème « Time » est d’ailleurs plutôt calme et contemplatif, mais par le biais de sa dimension progressive, il convient néanmoins de le ranger dans cette catégorie, ô combien appréciée des gamers, qu’est la musique épique.

 

 

 

C’est donc sans avoir recours à de grandes envolées de percussions ou de chœurs à outrance que le compositeur s’est approprié le style de la musique épique en le remaniant à la sauce de la musique « progressive ». Ainsi, le thème musical commence doucement, sans qu’on ne le remarque particulièrement, en s’intensifiant de plus en plus, jusqu’à arriver à une apogée musicale qui sublime alors l’action du film en question. Pour cela, Hans Zimmer s’est donc basé sur les recettes de précédents succès, eux -aussi basés sur la musique progressive (Les chevaliers de Sangreal dans Da Vinci Code par exemple) pour construire « Time ». La Boîte à Musique vous propose donc de décrypter ses éléments : en route !

La musique progressive se base donc sur une structure mettant en avant la progression (sans rire…) plutôt que l’impact immédiat d’une musique marquée et dynamique. Pour cela, Hans Zimmer choisit une structure basique de huit mesures, basée sur un mécanisme d’harmonie (d’accords) très simple. Cette cellule-mère sera ensuite reprise une bonne dizaine de fois, incluant à chaque reprise un paramètre supplémentaire qui alimentera l’aspect progressif. Voici ici notre schéma basique, avec en notation anglaise, les accords correspondants.

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Pour les « amateurs » de solfège (oui, certains aiment souffrir), vous avez pu noter que la mesure est en quatre temps binaire, une métrique très simple et conventionnelle donc. Par ailleurs, le tempo de « Time » est réglé aux alentours de 65 battements par minutes. Malgré les valeurs longues qui constituent l’harmonie, une basse marque chaque temps de la mesure. Ce rythme n’est pas anodin, car il correspond en fait (entre 60 et 80 battements par minutes) à notre rythme cardiaque, instaurant donc par ce biais quelque chose de léger au niveau sonore, mais aussi régulier, sans être trop rapide, pour ne pas attirer tout de suite notre attention, étant proche de quelque chose d’apaisant (les battements réguliers de notre cœur, donc). Enfin, vous noterez l’alternance, dans les accords ci-dessus d’écarts petits, puis grands, et ce, à raison d’une mesure sur deux. Ce mécanisme «ouvre » donc la mélodie qui sera reprise tout au long du morceau.

Maintenant que nous avons cela, finalement, le principal est fait, puisque la musique progressive se basera sur trois critères :

 

– l’accumulation de cellules sur la première cellulle-mère.

– l’expansion sonore de la musique (de plus en plus fort)

– l’expansion mélodique de la musique (de plus en plus aiguë)

 

Ainsi, notre première cellule est présentée dans une tessiture grave (par les cordes basses, le piano, et la pulsation du « battement de cœur »), et dans un volume sonore assez réduit (attention à ne pas confondre les deux paramètres !). À chaque reprise cyclique de la cellule est alors ajouté un élément : un instrument de plus reprenant la mélodie initiale, et ensuite une nouvelle cellule de contre-chant (qui arrive à 1’02) – une seconde mélodie accompagnant donc la première – que vous pouvez retrouver ici :

 

Cleek-images-inception-contrechant

 

Bien évidemment, un nouveau cycle ne signifie pas forcément un nouveau paramètre, et chaque nouvelle entrée instrumentale est proposée en général le temps de deux cycles, histoire que l’oreille de l’auditeur l’entende et l’intègre au morceau.

Lorsque le contre-chant est bien ancré dans votre esprit, un second fait alors son apparition sous la forme d’un ostinato (une cellule immuablement répétée) interprété à la guitare électrique, que vous retrouvez ci-dessous (et qui démarre dans la musique à 2’02).

 

Cleek-images-inception-ostinato

 

Enfin, si vous avez été bien attentif aux timings mentionnés, vous remarquerez que sur une musique qui dure, dans son intégralité 4 minutes 30, chaque nouvelle entrée « remarquable » se fait environ à chaque minute (le contre-chant à 1’02, l’ostinato à 2’02). Sûrement pas un hasard donc, puisque la musique défile dans un réel souci de la progression sans jamais quitter cette fameuse stabilité induite par le rythme cardiaque, et par les intervalles de temps réguliers séparant les différents éléments entre eux. D’ailleurs, pour ne pas briser le cycle, c’est à 3’05 qu’entrent les cuivres de l’orchestre, alors que le morceau n’était réservé jusque là qu’aux cordes et percussions (pour voir large). Chaque entrée notable contribue donc à accumuler les paramètres, qui eux-mêmes font grimper le volume sonore. Enfin, la cellule-mère s’étend chaque fois vers un registre plus aigu, répondant ainsi au critère de l’expansion mélodique de la musique.

Si vous souhaitez donc écrire ce type d’œuvre avec quelques bases primaires de solfèges, rien de bien compliqué donc, puisque ces trois paramètre suffisent à créer un thème musical époustouflant et marquant pour l’auditeur. La mélodie n’est pas très complexe, pour ne pas dire carrément simpliste, et le plus gros challenge réside en fait dans le choix de votre structure de base (une grille d’accords basique suffit alors largement) ainsi que dans votre façon d’échelonner l’orchestration. Toujours pas convaincus ? Allez hop, en passe en-dessous !

 

inception2

 

[divider]Compo-ception[/divider]

Nous quittons comme chaque fois cette chronique avec un morceau « fait-maison », et aujourd’hui, à la place d’une cover, je vous propose une réinterprétation de ce que nous avons vu ci-dessus. Sur base du thème Les Chevaliers de Sangreal (issu du film Da Vinci Code), j’ai refait (avec le talent de Hans Zimmer en moins, certes) une musique reprenant tous les paramètres de la musique épique progressive. Le morceau a été réalisé sous FL Studio, avec les VST Poizon et Edirol Orchestral. Bonne écoute, et à bientôt dans la Boîte à Musique de Cleek !

 

 

 

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